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Chowakan

  • « Les arts et le guerrier ne font qu'un. » ~ Shogunat Tokugawa
  • « La Voie du guerrier est la double Voie de la Plume et du Sabre. » ~ Miyamoto Musashi
  • « Vaincre sans convaincre n'est rien. » ~ Jigoro Kano

Stage de Kendo Nito à Chowakan Haut


Chowakan aura le plaisir d’organiser un stage de Kendo Nito dirigé par Julien Goullon, Kendo 5ème Dan et Heido 5ème Dan Musashi Kai EU, accompagné d’un de ses assistants.

Le stage aura lieu les 4 et 5 juin 2022 (week-end de la Pentecôte) et se déroulera au dojo Voies des hommes, 8 rue Claude Gonin, 31400 Toulouse.

Le nombre de participants est limité à 30 personnes maximum. Le niveau minimum requis est le 2ème dan confirmé. Les participants devront apporter leur propre matériel, à savoir shinai 37 et kodachi.

Les inscriptions sont d’ores et déjà ouvertes via ce formulaire

Programme

  • Vendredi soir : Geiko ouvert à tous les clubs, pour tous les armurés.
  • Samedi : Première partie du stage de Kendo Nito, qui se concluera le soir par un barbecue organisé et offert par chowakan pour les participants
  • Dimanche matin jusqu’à midi : Deuxième partie du stage Kendo Nito.

Infos pratiques

  • Tarif : 35€ par stagiaire
  • Le stage se déroulera dans le respect des règles sanitaires en vigueur au mois de juin
  • Les vestiaires hommes et femmes du dojo ainsi que les douches seront accessibles aux participants

Pour dormir, les hôtels suivant sont à votre disposition autour du dojo :

Plus d’informations sur la restauration à proximité à venir.

On vous attend nombreux pour ce stage rare en France !

Université d'été du Kendo

DATE : 13 au 17 Juillet 2022

LIEU :
Campus Sport Bretagne Formations
24 Rue des Marettes, 35800 Dinard

C’est parti pour les 16èmes Universités d’été du Kendo !
Et comme toujours, c’est en juillet, à Dinard, le sable chaud, les mouettes, les asageiko et tout et tout !

60 places nous sont réservées actuellement, ainsi que 30 places pour mardi soir (veille de stage).

Plus d’informations dans les temps qui viennent, et en attendant, portez-vous bien !

Formulaire Google pour l’inscription aux UEK 2022 : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSeJ4_fkVMRjyy8nbZPpADRFRg7684ghHifL2TjBgZf6-dKt4w/viewform

Plus d’informations ici : https://www.facebook.com/events/420002036568719/

Senpai - Kohai

Auteur: Kenichi YOSHIMURA (texte publié en mars 1996 dans “l’écho des dojo”)

Dans la pratique du Kendo, la relation humaine est un élément très important. Il est impossible de pratiquer le Kendo seul et on a toujours besoin d’un partenaire.

Si l’on se permet de frapper pleinement sur la tête de son partenaire, ce n’est pas un geste brutal et arrogant mais il s’agit de l’extériorisation réelle de son énergie sous forme de frappe au sabre.

Pour que l’attaque soit véritable et bien concentrée, il est nécessaire que l’on considère son partenaire comme l’ennemi dans un combat réel. Mais une fois que le coup a été porté, il ne doit plus subsister aucun sentiment d’affronter un ennemi.

Le partenaire redevient notre camarade; il est l’élément indispensable qui nous permet de progresser et nous devons lui garder considération et respect.

En changeant le rôle, lorsqu’on reçoit un coup en plein milieu de la tête, on doit remercier son partenaire (même si cela fait mal !), car il nous a montré là où nous étions vulnérable et comment. Ainsi on apprend où est notre faiblesse et l’on essaie de ne plus répéter la même erreur.

Si l’on arrive à s’entraîner en gardant cette notion claire à l’égard de la défaite, on peut progresser considérablement.

Par contre, ceux qui se soucient uniquement du fait d’avoir touché leur partenaire ou d’avoir été touché resteront toujours à un niveau très bas aussi bien du point de vue technique que du mental. C’est la première chose qu’il faut comprendre à l’égard du partenaire qui nous frappe.

Lorsqu’on débute en Kendo, on apprend beaucoup de choses grâce aux enseignants et aux anciens. Sans eux, on ne pourrait jamais progresser.

“Les anciens” s’appellent, en japonais, Senpai et les nouveaux arrivés Kohai. On accorde beaucoup d’importance à cette notion de relation Senpai-Kohai au Japon, non seulement dans le monde du Kendo mais aussi dans la vie.

C’est une relation de respect envers les gens plus âgés ou ceux qui ont plus d’expériences et de connaissances. Sans parler du confucianisme qui occupe toujours une grande place dans la culture extrême-orientale, c’est sûrement une manifestation de sagesse pour rendre la vie harmonieuse entre les individus.

Cette notion englobe tous les pratiquants de Kendo, au moins à l’intérieur du Japon. C’est pourquoi même des pratiquants prestigieux ou les grands champions japonais gardent, toujours avec autant de modestie, le respect envers tous les maîtres et les Senpai qui les ont guidés.

Les Senpai sont toujours mis à l’honneur par les Kohai.

Sur le plan pratique, dans le Dojo par exemple, le Kokai laisse la place “ plus élevée” au Senpai. Si le Kohai demande un combat au Senpai, celui-ci se met du côté face (Shomen).

S’ils s’alignent pour le salut, l’ordre hiérarchique est respecté selon cette notion de Senpai- Kohai dans la plupart des cas. je dis “ la plupart des cas”, car ce n’est pas toujours la règle absolue.

Quand on doit tenir compte du grade, il n’est pas impossible que le Kohai plus gradé soit positionné à un rang plus haut que le Senpai moins gradé, lors d’un stage de caractère officiel par exemple.

Mais une fois qu’ils rentrent dans leur Dojo, ils retrouvent la hiérarchie de Senpai-Kohai.

Le grade concerne la maturité technique sans doute, mais je pense que la réelle relation humaine entre les pratiquants du Kendo devrait se construire sur cette notion de Senpai-Kohai.

Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que l’âge et l’ancienneté ne suffisent pas pour être un bon Senpai. Le Senpai doit être toujours un bon modèle pour le Kohai, en ayant un comportement digne. Ainsi, le respect mutuel entre le Senpai et le Kohai existera longtemps, même si le Kohai dépasse le Senpai techniquement.

La compétence technique varie suivant la capacité de chacun surtout dans le domaine du combat comme le nôtre. Il est tout à fait normal qu’il y ait des enseignants de niveaux divers.

Qu’un pratiquant dépasse son premier enseignant et qu’il en change selon son progrès, c’est souhaitable et nécessaire même. Cependant, il ne faut surtout pas qu’il oublie que chaque enseignant était, à chaque période, son Sensei et son Senpai.

Il y a forcément une différence technique entre son premier enseignant et le dernier, mais il ne doit pas exister entre eux de différence de valeur humaine.

Si l’on réussit à assimiler cette notion et à la pratiquer, et que l’on arrive à garder un sentiment de gratitude envers ses enseignants et ses Senpai, je pense que l’on pourra également être un pratiquant de Kendo modèle et que notre monde du Kendo sera toujours harmonieux.

Une Brève Enquête Sur Le Système SHOGO

Article écrit par Georges Mc Call en Janvier 2010 et publié sur son site kenshi247.net

Traduction française : Fabien Rivaille Avril 2022

SHOGO (称号) en japonais se traduit simplement par « titre » ou « rang » et le mot peut être utilisé dans de nombreux domaines, par exemple les titres formels de noblesse, les grades militaires, les grades universitaires etc.. et de manière générale, dans le monde du sport, entre amis, etc…

L’usage du mot qui va m’intéresser ici est bien sûr celui qui est en rapport avec le monde du budo et plus précisément l’usage qui en est fait par le Dai Nippon Butokukai (1895-1946) et qui perdure aujourd’hui par le biais de son héritier spirituel, le Zen Nippon Kendo Renmei (Fédération panjaponaise de kendo). Veuillez noter que les informations sur le Butokukai présentées ici concernent le Kendo (diversement appelé gekken, gekiken et/ou kenjutsu) mais que, finalement, tous les arts martiaux du Butokukai ont fini par utiliser le même système (kyudo, jukendo etc…).

Bien que cet article soit censé se concentrer sur les titres de shogo, je ne pouvais ignorer le système DAN-I ( 段位) lors de mon enquête. Le système dan-i utilisé par le Butokukai a été évidemment fortement influencé par le système utilisé dans le Judo, inventé par Kano Jigoro et utilisé au Kodokan. Entre autres choses, Kano était le directeur de l’école normale supérieure de Tokyo entre 1893 et 1920 et Takano Sasaburo a commencé à y travailler en tant que professeur de kendo en 1908. Kano était influent dans de nombreux cercles (y compris gouvernementaux) et je ne pense pas qu’il soit illogique de supposer qu’il a également eu une influence importante et directe sur la pensée de Takano à ce sujet. Takano est, bien sûr, devenu l’un des maîtres du kendo au Japon et un membre important du Butokukai.

Il convient également de mentionner (et certains détails sont inclus dans la liste ci-dessous) que le Keishicho (le service de la police métropolitaine de Tokyo) avait établi son propre système dan-i qui fonctionnait séparément de celui de Butokukai. Il y avait malgré tout une forte collaboration entre le Keishicho et le Butokukai (en fait, le gouvernement a émis un décret interdisant expressément au Keishicho de trop se mêler des affaires du Butokukai).

Quoi qu’il en soit, voici une échelle de temps des événements les plus importants qui menèrent au système que nous avons aujourd’hui. Les éléments présentant un intérêt particulier sont mis en évidence en gras.

À la fin, j’ai pris deux ou trois domaines clés et les ai développés un peu plus.

Événements importants dans la création et l’histoire du système shogo (et dan-i) rendus chronologiquement

1878/79 : Création du kenjutsu policier et mise en place du Keishicho

1882 ou 83 : Premier système DAN-I (段位) utilisé par Kano Jigaro pour le remaniement du koryu Jujutsu en Judo. Il décerne les premiers grades de shodan à Shiro Saigo et Tsunejiro Tomita.

1886 : Le système kyu du Keishicho est défini (basé sur un système de classes (等) ou kyu (級) selon la source).

1893 : Kano devient le directeur de l’école normale supérieure de Tokyo

1895 : Création du Butokukai (avril) et premières attributions du titre de SEIRENSHO (octobre).

1902 : Le Butokukai désigne les titres KYOSHI et HANSHI comme venant après celui de SEIRENSHO (ce système perdure jusqu’en 1934, date à laquelle SEIRENSHO devient RENSHI). L’âge minimum pour le HANSHI est fixé à 60 ans.

1903 : Onze grades KYOSHI/HANSHI sont décernés.

1908 : Takano Sasaburo est nommé professeur de kendo à l’école normale supérieure de Tokyo en février et lance un système de classement DAN-I (段位) en juin.

1912 : Lorsque le Butokukai créa le Teikoku kendo no kata , l’occasion fut saisie de discuter de l’uniformisation des systèmes de grades judo/kendo.

1913 : Bien qu’ils aient moins de 60 ans, les suivants se virent atttribués le titre HANSHI : Naito Takaharu , Takano Sasaburo, Yamashita Yoshitsuga, Isogai Hajime, Nagaoka Hidekazu et Ichikawa Torashiro.

1914 : Les règles d’attribution du SEIRENSHO sont fixées et la réglementation du kenjutsu/judo codifiée (le kenjutsu utilise « kyu », et le judo utilise « dan »).

1917 : Le Kenjutsu commence à utiliser le même système DAN-I (段位) que le judo. À cette période, le système ne va que jusqu’au rang de godan (5ème dan), après quoi les titres de SEIRENSHO, KYOSHI et HANSHI sont décernés.

1919 : Le Butokukai change officiellement le nom de kenJUTSU en kenDO.

1920 : Kodokan annonce « une réglementation pour les grades de judo, en kyu et dan » 1923 : Le Keishicho crée son propre système de notation interne du budo.

1926 : L’école normale supérieure de Tokyo change le nom de gekken en kenDO. Un mois plus tard, le changement est officiel dans toutes les écoles du pays.

1930: L’école normale supérieure de Tokyo crée ses propres rangs de shogo - Tokushi, Shushi et Tasshi.

1934 : Le titre de SEIRENSHO est remplacé par RENSHI.

1937: Les grades rokudan (6ème dan) et plus commencent à être obtenus à partir de cette année.

1942 : Le Butokukai passe sous le contrôle du gouvernement militaire. Le titre KYOSHI change de nom et devient TASSHI.

1943 : Le Butokukai établit de nouvelles règles pour le système shogo. 1946 : Sous diverses pressions, le Butokukai est dissout.

1953: Le Zen Nippon Kendo Renmei (ZNKR) est créé, adossé au Zen Nippon Shinai Kyogi Renmei (créé en 1950, ce dernier sera fusionné avec le ZNKR en 1954). À cette époque, le système DAN-I (段位) est prévu pour aller jusqu’à godan (5ème dan), suivi ensuite des titres shogo de RENSHI, KYOSHI et HANSHI.

1957 : Par peur du déséquilibre de l’uniformisation qui existe avec le judo qui attribuait déjà des grades jusqu’au judan (10ème dan) , et bien que l’association soit différente, il a été décidé d’avancer la décision de 4 ans et de fixer immédiatement la limite des grades de kendo à judan (10ème dan).

2000 : Le ZNKR décide qu’il n’y aura pas de nouveau judan (10ème dan) attribué et fixe la limite du système DAN-I (段位) à hachidan (8ème dan). HANSHI est déclaré être la plus haute distinction que vous puissiez recevoir. Il y a quelques kyudan (9ème dan) vivant au Japon.

Seirensho (精練証)

Le prix SEIRENSHO est particulièrement intéressant. Celui-ci a été décerné pour la première fois lors du 1er Kyoto Taikai en octobre 1895 à 15 kenshi très expérimentés sur un total de 386 participants. Ce prix est le prédécesseur du titre RENSHI et continuera à être utilisé jusqu’en 1934, date à laquelle le titre RENSHI le remplace.

Puisqu’il s’agissait des premiers shogo décernés par le Butokukai (il faudra encore 8 ans avant que les titres de KYOSHI et HANSHI ne soient créés), il est difficile de deviner exactement la valeur du titre. Mon sentiment personnel est qu’il s’agissait d’un honneur exceptionnel décerné à des personnes ayant de grandes capacités et qui forçaient le respect au sein de la communauté Butokukai.

Les premières personnes à recevoir le prix étaient (nom, style) :

Ishiyama (Itto-ryu), Hagiwara (Jikishinkage-ryu), Hara (Tenji-ryu), Tokuno Sekishiro (Jikishinkage- ryu), Okamura Sakonta (Jikishinkage-ryu, shin nitto-ryu), Kagawa (Muto-ryu. Le plus grand gars dans la rangée arrière dans l’image ci-dessus), Yoshida (Seitoku taishi-ryu), Negishi Shigoro (Shinto mumen- ryu, professeur de Nakayama Hakudo. hanshi 1906), Umezaki (Shinkage-ryu), Matsuzaki Namishiro (Shinkage-ryu), Takayama Minesaburo (Jikishinkage-ryu), Mamiya (Ono-ha itto-ryu. La photo ci- dessus est son Seirensho) , Kominami (Muto-ryu), Abe (Jikishinkage-ryu), Mihashi (Musashi -ryu).

Pour que vous puissiez avoir une idée du nombre de SHOGO délivrés au cours des premières années, voici une échelle rapide du nombre attribué au cours des 6 premières années (toujours avant la délivrance de KYOSHI, HANSHI):

Année (nombre de participants au Butokusai / nombre de SEIRENSHO récompensés) :

1895 (386/15); 1896 (472/15); 1897 (482/6 dont Naito Takaharu); 1899 (766/8); 1900 (493/7); 1901 (825/8).

KYOSHI, HANSHI (教士・範士)

En 1903, quatre titres KYOSHI et sept titres HANSHI furent décernés pour la première fois. Les tout premiers HANSHI étaient :

[nom (style, préfecture, âge)] Ishikawa (Itto-ryu, Kochi, 74)

Takao (Tecchu-ryu, Nagasaki, 73 ans) Shibue (Shinto munen-ryu, Nagasaki, 68 ans) Sakabe (Kyoshin mechi-ryu, Aiichi, 66 ans) Watanabe (Shinto munen-ryu, Tokyo, 66 ans) Mihashi (Musashi-ryu, Tokyo, 62 ans) Tokuno (Jikishinkage-ryu, Tokyo, 61 ans)

HANSHI est devenu le titre le plus élevé que vous puissiez obtenir au sein du Butokukai, avec une limite d’âge minimal de 60 ans (cette règle a été enfreinte en 1913 lorsque certains kenshi, y compris Naito Takaharu et Takano Sasaburo, se le vit décerné à un âge plus précoce. NDLR : Cette règle n’est aujourd’hui plus appliquée). De nos jours, le Shogo HANSHI est toujours le titre le plus élevé pouvant être obtenu en kendo.

Sonkyo

Réflexion de Nagao Susumu (Professeur, Université Meiji) publié dans la partie Kendo’s Not-so Common-sense de Kendo Nippon en Juillet 2010. Cet article fut ensuite traduit en anglais par Kendo World puis publié par Budo World en Février 2017.

Traduction en français : Fabien Rivaille Avril 2022

Pourquoi devons-nous faire sonkyo en kendo ?

En kendo, nous sommes tenus de faire sonkyo avant et après un tachiai (match) ainsi que pendant la pratique et cela se fait avec un arc. Quand cette tradition a-t-elle commencé ?

Dans le densho (documents écrits) de l’école d’escrime Katōda Shinkage-ryū, il y a des détails méticuleusement enregistrés des combats d’escrime qui ont eu lieu dans les derniers jours du shogunat Tokugawa. Un exemple très important est le densho appelé Kendō Shogaku Shūchi (1860). (Le professeur Murayama Kinji de l’Université de Shiga, a mené des recherches approfondies sur ce sujet.) Dans ce densho, il y a une partie concernant « l’étiquette orishiki ». Mon interprétation est que vous vous accroupissez avec les deux pieds formant un « T », comme un marteau en bois, avec la taille

positionnée directement au-dessus. Les jambes sont écartées et le genou gauche est posé sur le sol, le genou droit légèrement plus haut. Le regard est orienté droit devant et non vers le bas, la nuque érigée vers le haut et le dos droit avec les épaules détendues. Les fesses ne sont pas sorties et le bas-ventre est légèrement gonflé. Il est précisé qu’il est important d’être prêt mentalement lors de l’exécution de l’orishiki. En d’autres termes, préparez-vous à vaincre votre adversaire avant même que le match ne commence. Cela demande beaucoup de ressources et un entraînement intensif.

« Accroupissez-vous avec les pieds formant un « T » comme un marteau en bois, avec la taille positionnée directement au-dessus. » Cela ressemble à la position du sonkyo dans sa forme. Cependant, étant donné que le genou gauche touche le sol, il y a une légère différence entre cela et le sonkyo du kendo moderne. Le terme « orishiki » signifie avoir l’un des genoux touchant le sol et on le retrouve fréquemment dans des livres publiés entre la période pré-moderne et la période moderne en tant que technique de frappe en kendo. Un exemple est l’orishiki-kote, mentionné dans 68 Techniques de Kenjutsu. Dans des termes plus modernes, cela ressemble à un katsugi-kote avec le genou gauche au sol. (Ce terme apparaît également dans des livres tels que Chiba Shūsaku Sensei Jikiden Kenjutsu Meijin-hō du Hokushin Ittō-ryū.)

Dans le Kendō Shōgaku Shūchi mentionné ci-dessus, le paragraphe qui précède « l’étiquette orishiki » est intitulé « Comment se préparer avant les combats ». Il est écrit : « Au moment de faire l’orishiki, les principes de notre école (Katōda Shinkage-ryū) dictent que nous ne devons pas nous incliner. Pourtant, kakarite (l’attaquant) doit s’incliner devant les anciens avec un sentiment d’humilité et de gratitude pour les remercier d’avoir l’opportunité de pratiquer avec eux, les anciens devant répondre de la même façon. Cela donne le sentiment que les guerriers ne s’inclinaient pas lorsqu’ils s’entraînaient avec leurs pairs ou des pratiquants d’autres écoles, mais les origines de la tradition de l’inclinaison dans le kendo moderne remontent à cela. Dans le Chiba Shūsaku Sensei Jikiden Kenjutsu Meijin-hō, les séances d’entraînement du Jikishinkage-ryū sont décrites comme suit :

« L’escrime de l’école Jikishinkage-ryū est assez extrême et ils font l’orishiki ou kikyo à chaque match, et respirent profondément (cela pourrait faire référence à un autre kikyo, qui se prononce de la même façon mais qui utilise des caractères chinois différents, et signifiant s’accroupir avec les deux genoux au sol, avec le poids sur les malléoles et les fesses posées sur les talons). Une fois face à leur adversaire, ils se placent en garde jodan no kamae et sont prêts à frapper en ayant tout le temps une longueur d’avance sur leur adversaire. Lorsqu’ils se font face, si l’opposant se relève trop vite, ils l’arrêtent en disant « pas si rapidement », mais plutôt d’une manière qui ressemble au début d’un combat de sumo. La raison pour laquelle ils respirent profondément est qu’ils peuvent ralentir leur rythme cardiaque. »

Le sonkyo dans le kendo moderne semble être un vestige de la tradition de l’orishiki ou du kikyo (kiza) dans les écoles de sabre japonais de la période pré-moderne et transmis sous une forme légèrement différente. Il est peut-être devenu plus proche du sonkyo actuel (avec le pied droit positionné légèrement devant le gauche pour que le corps s’incline naturellement vers la gauche) et s’est généralisé avec la diffusion du « Dai-Nippon Teikoku Kendo Kata » (l’actuel « Nippon Kendo Kata ») de la période Taishō et du début de la période Showa. Au cours de ce processus, je crois que l’importance de « Comment battre votre adversaire avant même que le match ne commence en vous préparant mentalement » du Katōda Shinkage-ryū, ou « Comment ralentir votre rythme cardiaque » dans le Jikishinkage- ryū, se reflétait dans le sonkyo, l’orishiki ou le kikyo.

Le caractère chinois utilisé pour écrire « son » dans sonkyo signifie « s’accroupir », tout comme le caractère qui représente « kyo ». Sonkyo, lorsqu’il est utilisé en relation avec la cérémonie du thé, peut être lu comme « tsukubai » et il fait référence à un bassin en pierre qui est placé parterre à l’extérieur du salon de thé pour que les invités puissent se nettoyer les mains avant d’entrer. L’idée est la même que celle de purifier les mains et la bouche dans les sanctuaires. Lors de la cérémonie du thé, cependant, il faut s’accroupir pour atteindre le bassin. Il semble qu’en s’accroupissant et en étant près du sol alors qu’on se lave les mains, on est capable de se préparer mentalement et physiquement avant d’entrer dans l’espace particulier et sacré qu’est le salon de thé.

À en juger par cela, le sonkyo en kendo ou en sumo peut également avoir la même signification dans le sens où le pratiquant est sur le point d’entrer dans une zone particulière ou sacrée et d’avoir un match « pur » pour tester ses compétences. En effet, le sonkyo dans le sumo fait partie d’un rituel auquel les lutteurs se livrent après être entrés dans le cercle. De là, ils s’inclinent l’un et l’autre avec leurs doigts pointés vers le bas, frappent dans leurs mains, écartent leurs bras puis tournent leurs paumes vers le haut afin de prouver qu’ils ne portent aucune arme.

De plus, dans les entraînements de sumo, les lutteurs font le sonkyo au début du combat pour ralentir leur rythme cardiaque. Cela semble être lié à la méthode du Jikishinkage-ryū susmentionnée pour ralentir le rythme cardiaque. Pourquoi faire sonkyo au lieu de s’incliner debout? Peut-être savait-on par expérience que dans la position sonkyo, on pourrait être plus conscient de notre abdomen et des articulations, conduisant à une revitalisation du corps grâce à la respiration tanden.

Pour conclure, le sonkyo puise ses racines dans les traditions japonaises comme moyen de montrer du respect lorsqu’on entre dans un espace particulier ou sacré, ou comme moyen de contrôler sa respiration. La même chose peut être dite pour le kendo mais, additionné au fait qu’il a également une signification en tant que forme d’étiquette, il sert également de méthode d’entraînement mental dans lequel on cherche à gagner avant même le début du combat. Ces deux lignes de pensée trouvent leur origine dans le kenjutsu de la période pré-moderne.

Kirikaeshi

Réflexion de Nagao Susumu (Professeur, Université Meiji) publié dans la partie Kendo’s Not-so Common-sense de Kendo Nippon en Janvier 2011. Cet article fut ensuite traduit par Kendo World puis présenté par Budo World en Février 2017.

Traduction française : Fabien Rivaille Avril 2022

Depuis quand le kirikaeshi fait-il partie de la pratique du kendo ? Pourquoi y a-t-il cet ordre « quatre frappes diagonales vers l’avant et cinq vers l’arrière » ?

Le Kirikaeshi et le kakari-geiko trouvent leurs origines dans une méthode de pratique de l’école ancienne Hokushin Ittō-ryū appelée « uchikomi ». Dans le livre Chiba Shūsaku Sensei Jikiden Kenjutsu Meijin-hō (1884), on trouve le passage suivant :

« L’Uchikomi n’est pas quelque chose de populaire dans les autres écoles. Si vous souhaitez vraiment améliorer vos techniques de kenjutsu, vous ne pouvez pas le faire sans pratiquer l’uchikomi. Par conséquent, les débutants de notre école n’étaient pas autorisés à participer immédiatement à des combats réels. Tout ce qu’ils ont fait, c’est de l’uchikomi pendant plus d’un an. En ce qui concerne cette méthode d’entraînement, vous pouvez grandement vous améliorer en frappant puissamment le men de votre adversaire par des séquences rapides alternant frappe à gauche, frappe à droite, ou en frappant le centre du men de votre adversaire, ou en frappant le do de votre adversaire de façon alternée, à gauche puis à droite.

Il continue :

« Le motodachi ne se contente pas d’attendre et recevoir les frappes du kirikaeshi. Il doit chercher une occasion de riposter contre les men ou kote de l’adversaire, dans le but que les deux partenaires d’entraînement pratiquent avec détermination. »

À partir de là, on peut supposer que l’uchikomi était une méthode d’entraînement intégrée et axée sur la discipline, semblable à une combinaison de kirikaeshi et de kakari-geiko . Si tel était le cas, cela devait être extrêmement grave et atroce.

La forme de la pratique du kirikaeshi la plus courante aujourd’hui consiste à frapper d’abord le men au centre, puis alterner les frappes sur le côté droit puis gauche (en commençant par le côté gauche du men de l’adversaire ) quatre fois en avançant, puis cinq fois de la même manière sur les côtés gauche et droit en reculant. Après la dernière frappe, l’attaquant continue de reculer pour retrouver sa distance (maai), puis se précipite à nouveau pour frapper le men de l’adversaire au centre, continue avec la même routine et frappe enfin le men de l’adversaire au centre pour terminer. Cependant, comme cela est expliqué dans Kendō Shidō Yōryō et Kendō Kōshūkai Shiryō, cette méthode n’est qu’une ligne directrice pour les débutants. Il est également mentionné que le praticien doit être créatif lorsqu’il fait du kirikaeshi, dépendant du niveau de pratique, en augmentant le nombre de frappes, en frappant le côté gauche puis droit du men jusqu’à s’essouffler, s’écraser l’un contre l’autre, etc.

Dans son livre intitulé Kendo (1915), Takano Sasaburō écrit : « Vous devriez toujours pratiquer le kirikaeshi », et il propose l’explication suivante pour décrire les intérêts que l’on peut en tirer :

« Kirikaeshi est une méthode de pratique essentielle pour apprendre le kendo. Vous deviendrez agile en vous déplaçant vers l’avant, l’arrière, la gauche et la droite, votre corps et vos membres deviendront plus forts, vos mouvements seront décomplexés et votre capacité respiratoire s’améliorera. Vos attaques deviendront plus précises et spontanées, votre intention et votre force physique deviendront unifiées, la force superflue sera supprimée et les personnes ayant moins de force se renforceront. La puissance dans le côté gauche et droit de votre corps s’équilibrera, vos frappes côté ura et omote deviendront uniformes, vous pourrez exécuter des techniques à la vitesse de l’éclair et vous améliorerez votre endurance et votre courage. »

Aussi, pour résumer le comment faire kirikaeshi, Nagao Susumu écrit :

« Frappez rapidement le men en avant et en arrière alternativement, en vous exerçant de façon vigoureuse à chaque frappe, sans vous arrêter, jusqu’à ce que vous soyez à bout de souffle. Les frappes doivent être grandes et rapides, vos bras et vos jambes doivent être coordonnés et votre esprit et votre mental synchronisés tout en frappant puissamment. Lorsque vos bras s’épuisent ou que vous êtes essoufflé, levez les bras au-dessus de votre tête puis étirez-les vers l’avant, avancez vos pieds et frappez encore plusieurs fois en criant « Men! » Alors seulement après vous serez autorisés à vous reposer. »

Cela signifie qu’à l’origine, le kirikaeshi n’était pas un exercice dont le nombre de frappes était limité. Ce qui importait plus que tout, c’était de frapper vigoureusement avec l’esprit et le mental synchronisés jusqu’à ce que les bras s’épuisent et que vous soyez à bout de souffle. Ce n’est que par ces exigences qu’il est possible de développer des compétences fondamentales qui aideront le praticien à faire face à la dureté de la formation.

Cependant, dans la mesure où les arts martiaux japonais (y compris le kendo) furent introduits à titre éducatif dans l’enseignement militaire ou scolaire durant l’époque moderne, les enseignants ont commencé à fixer une limite au nombre de frappes dans le kirikaeshi pour la formation des débutants. Dans Budō Kyōhan (1895) de Kumamoto Jitsudō, le kirikaeshi est mentionné dans la section « Kiso Enshū Dai-ikkyō ; Uchikomi ». Il y a une explication selon laquelle le men de l’adversaire devrait être frappé de gauche et de droite 7 fois en avançant jusqu’à la septième frappe sur le men qui doit être à gauche (le déplacement ne se fait pas en okuri-ashi mais en ayumi-ashi, donc comme s’ils marchaient), puis on fait un grand pas en arrière, pour reculer avant le dernière frappe. Ce livre contient également des instructions détaillées sur la façon dont ukete devrait recevoir les attaques. Il est donc probable que le kirikaeshi d’aujourd’hui avec son nombre défini de frappes fut finalement établi à partir de cette méthode d’entraînement, qui a été développée en pensant aux débutants.

De son côté, Takano Sasaburō a présenté la méthode de frappes rapides alternées dans son livre

Kendō . En ce qui concerne le genre de kirikaeshi qu’il pratiquait dans sa jeunesse, il écrit :

« Kirikaeshi dans notre école (Ittō-ryū Nakanishi-ha) n’était pas la forme dans laquelle le men est frappé alternativement à gauche puis à droite. Au lieu de cela, nous frappions puissamment le même côté plusieurs fois de suite, puis nous le faisions de l’autre côté. Il n’y avait pas un nombre de frappe fixe pour chaque côté. Nous utilisions un sabre de bois sans enfiler le men. J’aurais pu faire la forme actuelle du kirikaeshi les yeux fermés. Cependant, si vous souhaitez

exécuter 3 frappes d’un côté, puis 4 frappes de l’autre, vous devez être très prudent afin d’éviter les blessures (Budo Hokan, 1934). »

Cette forme de kirikaeshi utilisant un sabre de bois peut être un peu difficile à réaliser aujourd’hui, mais compte tenu de l’importance de cet exercice dont l’objectif est de

« perfectionner la technique de frappe en avant et en arrière » tout comme entraîner les pratiquants (y compris le motodachi) à être préparés mentalement à combattre « avec de vrais sabres », peut-être que ce type de méthode d’entraînement mérite d’être reconsidéré.

Le Kendô à l'ancienne : vraiment mieux que la méthode moderne ?

Si vous êtes un peu anglophone et que vous traînez sur la communauté “World Kendo Network”, vous n’avez pas pu échapper à cette image. Aujourd’hui, je vais l’aborder d’un point de vue sportif et biomécanique, tout en me laissant la latitude d’y apporter un grain de philosophie. Facebook ne me permettant pas d’insérer des images au fur et à mesure de l’article, pour le confort de lecture, 𝗷𝗲 𝘃𝗼𝘂𝘀 𝗿𝗲𝗰𝗼𝗺𝗺𝗮𝗻𝗱𝗲 𝗳𝗼𝗿𝘁𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱’𝗼𝘂𝘃𝗿𝗶𝗿 𝗹’𝗶𝗺𝗮𝗴𝗲 𝗱𝗮𝗻𝘀 𝘂𝗻 𝗲𝘀𝗽𝗮𝗰𝗲 𝗮̀ 𝗰𝗼̂𝘁𝗲́, sur un deuxième écran ou dans une fenêtre séparée, car j’y ferais régulièrement référence.

L’auteur de ce schéma et ces posts proclame à tout va que le kendo “moderne” n’est pas la meilleure façon de faire de l’escrime japonaise, la première rangée en “L” servant à démontrer ce qu’est la façon de faire actuelle (Gendai), et la seconde, en dessous, ce qu’il en était dans “l’ancien temps” (Bakumatsu).

Ces schémas sont extrêmement riches d’enseignements, et ce sur beaucoup de plans. 𝗣𝗿𝗲𝗺𝗶𝗲̀𝗿𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁, 𝗰𝗲 𝘀𝗼𝗻𝘁 𝗹𝗲𝘀 𝗽𝗿𝗲𝗺𝗶𝗲𝗿𝘀 𝘀𝗰𝗵𝗲́𝗺𝗮𝘀 𝗾𝘂𝗲 𝗷𝗲 𝘃𝗼𝗶𝘀 𝗾𝘂𝗶 𝗽𝗿𝗲𝗻𝗻𝗲𝗻𝘁 𝗲𝗻 𝗰𝗼𝗺𝗽𝘁𝗲 𝗹𝗮 𝗿𝗲́𝗮𝗹𝗶𝘁𝗲́ 𝗱𝗲 𝘁𝗲𝗿𝗿𝗮𝗶𝗻 𝗱𝘂 𝗸𝗲𝗻𝗱𝗼. En effet, sur la première rangée (c’est de celle-ci uniquement dont je vais parler en première partie) nous pouvons constater un nombre de choses qui se retrouvent après analyse méticuleuse de ce qui se passe “en vrai”, mais qui semblent ne pas être enseignées telles quelles dans les dojos de façon générale, pour nous épargner une “mauvaise forme”. 𝗣𝗼𝘂𝗿𝘁𝗮𝗻𝘁, 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝗯𝗲𝗹 𝗲𝘁 𝗯𝗶𝗲𝗻 𝗮𝗶𝗻𝘀𝗶 𝗾𝘂𝗲 𝘁𝗼𝘂𝘀 𝗹𝗲𝘀 𝗰𝗵𝗮𝗺𝗽𝗶𝗼𝗻𝘀 𝗷𝗮𝗽𝗼𝗻𝗮𝗶𝘀, 𝗹𝗲𝘀 𝟴𝗲𝗺𝗲 𝗱𝗮𝗻, 𝗲𝘁 𝗮𝘂𝘁𝗿𝗲𝘀 𝗸𝗲𝗻𝗱𝗼̂𝗸𝗮 𝘁𝗿𝗲̀𝘀 𝗲𝘅𝗽𝗲́𝗿𝗶𝗺𝗲𝗻𝘁𝗲́𝘀 𝗽𝗿𝗮𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲𝗻𝘁.

Tame : 𝗟𝗮 𝗷𝗮𝗺𝗯𝗲 𝘀𝗲 𝗽𝗹𝗶𝗲 𝗮̀ 𝗹’𝗶𝗻𝗶𝘁𝗶𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝘂 𝗺𝗼𝘂𝘃𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁. En réalité, c’est tout à fait logique, un genou totalement étendu ne permet pas de l’utiliser pour se propulser depuis le sol, le plier permet non seulement de se donner une plus grande amplitude d’un point de vue articulaire au genou, sur laquelle développer de la puissance, mais aussi à la hanche, car elle se retrouve elle aussi moins étendue. Enfin point non négligeable, le triceps sural (muscle du mollet) peut se charger d’une “pré-tension” nécessaire à un mouvement de propulsion rapide. 𝗣𝗹𝗶𝗲𝗿 𝗹𝗮 𝗷𝗮𝗺𝗯𝗲 𝗻’𝗲𝘀𝘁 𝗱𝗼𝗻𝗰 𝗽𝗮𝘀 𝘂𝗻 𝗱𝗲́𝗳𝗮𝘂𝘁 : 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝘂𝗻𝗲 𝗽𝗿𝗲́𝗽𝗮𝗿𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻.

Hikite : Ici, c’est le seul point du schéma où je serais en désaccord, très exactement au niveau de la verticalité du shinai, 𝗰𝗲𝗹𝗮 𝘃𝗮𝗿𝗶𝗲 𝗴𝗿𝗮𝗻𝗱𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗲𝗻𝘁𝗿𝗲 𝗹𝗲𝘀 𝗽𝗿𝗮𝘁𝗶𝗾𝘂𝗮𝗻𝘁𝘀. Il n’y a qu’à voir à quel point un “men” entre Teramoto et Takanabe est différent pour s’en convaincre. Cela vient du fait que les pratiquants ont une grande diversité de mouvements réalisables : 𝗿𝗼𝘁𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗮𝘂 𝗻𝗶𝘃𝗲𝗮𝘂 𝗱𝗲𝘀 𝗽𝗼𝗶𝗴𝗻𝗲𝘁𝘀, 𝗱𝗲𝘀 𝗰𝗼𝘂𝗱𝗲𝘀, 𝗱𝗲𝘀 𝗲́𝗽𝗮𝘂𝗹𝗲𝘀, 𝘃𝗼𝗶𝗿𝗲 𝗹𝗲𝘀 𝘁𝗿𝗼𝗶𝘀 𝗮̀ 𝗹𝗮 𝗳𝗼𝗶𝘀 !

Tobi-men : Il est particulièrement intéressant de noter que la tête part vers l’arrière. Et c’est en réalité le cas, si on projette les épaules vers l’avant (et c’est ce que nous faisons pour atteindre la cible, même en essayant “d’envoyer avec les hanches”, car à haute vitesse, le corps n’a plus le temps de se soucier de ce qu’on voudrait faire : il sélectionne le plus efficace), 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝗰𝗲𝘁𝘁𝗲 𝗽𝗮𝗿𝘁𝗶𝗲 𝗱𝗲 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗰𝗼𝗿𝗽𝘀 𝗾𝘂𝗶 𝘃𝗮 𝗲𝗻𝘁𝗿𝗮𝗶̂𝗻𝗲𝗿 𝗹𝗲 𝗿𝗲𝘀𝘁𝗲, 𝗲𝘁 𝗲̂𝘁𝗿𝗲 𝗳𝗮𝘁𝗮𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱𝗲𝘃𝗮𝗻𝘁. Un peu comme quand on tire un enfant par le bras un peu trop fort. Mêlé au réflexe archaïque d’extension (étendre les muscles du cou et les coudes en même temps donne plus de force à ces dits muscles, c’est un réflexe qui intervient chez le nourrisson pour lui permettre de se relever de la position “couchée”, mais nous avons des preuves de sa conservation même à l’âge adulte 𝘈𝘳𝘦 𝘦𝘧𝘧𝘦𝘤𝘵𝘴 𝘰𝘧 𝘵𝘩𝘦 𝘴𝘺𝘮𝘮𝘦𝘵𝘳𝘪𝘤 𝘢𝘯𝘥 𝘢𝘴𝘺𝘮𝘮𝘦𝘵𝘳𝘪𝘤 𝘵𝘰𝘯𝘪𝘤 𝘯𝘦𝘤𝘬 𝘳𝘦𝘧𝘭𝘦𝘹𝘦𝘴 𝘴𝘵𝘪𝘭𝘭 𝘷𝘪𝘴𝘪𝘣𝘭𝘦 𝘪𝘯 𝘩𝘦𝘢𝘭𝘵𝘩𝘺 𝘢𝘥𝘶𝘭𝘵𝘴?(2013) ), cela semble logique et cohérent.

Fumikomi : Je juge cette partie extrêmement enrichissante. 𝗜𝗹 𝗲𝘀𝘁 𝗱’𝘂𝘀𝗮𝗴𝗲 𝗾𝘂𝗲 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗲𝗻𝘀𝗲𝗶𝗴𝗻𝗲𝗿 𝗹𝗲 𝗸𝗲𝗻𝗱𝗼, 𝗻𝗼𝘂𝘀 𝗶𝗻𝘀𝗶𝘀𝘁𝗶𝗼𝗻𝘀 𝘀𝘂𝗿 𝗹𝗲 “𝗸𝗶-𝗸𝗲𝗻-𝘁𝗮𝗶 𝗻𝗼 𝗶𝗰𝗵𝗶”, 𝗹’𝗲𝘀𝗽𝗿𝗶𝘁, 𝗹𝗲 𝗰𝗼𝗿𝗽𝘀 𝗲𝘁 𝗹𝗲 𝘀𝗮𝗯𝗿𝗲 𝗲𝗻 𝗺𝗲̂𝗺𝗲 𝘁𝗲𝗺𝗽𝘀. Pour la majorité des enseignants que j’ai croisés, l’insistance était grande sur le fait de coordonner la frappe du pied (fumikomi) et l’arrivée sur la cible du shinai.

Et pourtant, regardez du kendô au ralenti si vous voulez vous en convaincre, 𝗰̧𝗮 𝗻’𝗲𝘀𝘁 𝗝𝗔𝗠𝗔𝗜𝗦 𝗹𝗲 𝗰𝗮𝘀. Même chez les plus gradés des plus gradés, 𝗹𝗮 𝗳𝗿𝗮𝗽𝗽𝗲 𝗱𝘂 𝗽𝗶𝗲𝗱 𝗮𝗿𝗿𝗶𝘃𝗲 𝘀𝘆𝘀𝘁𝗲́𝗺𝗮𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗔𝗣𝗥𝗘𝗦 𝗹𝗲 𝘀𝗵𝗶𝗻𝗮𝗶̈.

Je me souviens avoir toujours été perplexe à ce sujet, et poser la question à nombre de professeurs qui m’ont toujours soutenu l’unité des deux frappes coordonnées. C’est feu Jean-Pierre Raick, mes respects à ce grand monsieur, qui m’en a donné l’explication la plus simple et qui m’a ,de fait, complètement rassuré en une seule phrase prononcée lors de l’un de ses stages : “𝗦𝗶 𝗹𝗲 𝘀𝗮𝗯𝗿𝗲 𝗮𝗿𝗿𝗶𝘃𝗲 𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁 𝗹𝗲 𝗽𝗶𝗲𝗱, 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝘁𝗼𝘂𝘁 𝗮̀ 𝗳𝗮𝗶𝘁 𝗻𝗼𝗿𝗺𝗮𝗹 𝗲𝘁 𝗻𝗮𝘁𝘂𝗿𝗲𝗹, 𝗲𝗻 𝗿𝗲𝘃𝗮𝗻𝗰𝗵𝗲, 𝘀𝗶 𝗹𝗲 𝗽𝗶𝗲𝗱 𝗮𝗿𝗿𝗶𝘃𝗲 𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁 𝗹𝗲 𝘀𝗮𝗯𝗿𝗲, 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝗾𝘂’𝗶𝗹 𝘆 𝗮 𝘂𝗻 𝘃𝗿𝗮𝗶 𝘀𝗼𝘂𝗰𝗶”.

Non, il n’a pas eu besoin de développer plus que ça, j’avais déjà un premier élément de taille : je n’étais pas fou.

La raison biologique et mécanique, je l’ai trouvée par moi-même, plus tard, et elle réside en deux aspects, découlant l’un de l’autre.

- Le premier, c’est que quand nous envoyons une information depuis notre cerveau à tous nos muscles, ce qui réagit en premier, 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝗰𝗲 𝗾𝘂𝗶 𝗲𝘀𝘁 𝗽𝗹𝘂𝘀 𝗽𝗿𝗼𝗰𝗵𝗲 𝗱𝗲 𝗰𝗲 𝗱𝗲𝗿𝗻𝗶𝗲𝗿. À une énorme pression, telle qu’on peut en avoir face à un adversaire que l’on ne sous-estime pas, on n’a pas le temps de réfléchir à envoyer tout son corps en même temps : résultat, 𝗹𝗲𝘀 𝗺𝗮𝗶𝗻𝘀 𝗽𝗮𝗿𝘁𝗲𝗻𝘁 𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁 𝗹𝗲𝘀 𝗽𝗶𝗲𝗱𝘀 𝗮̀ 𝗹’𝗼𝗯𝗷𝗲𝗰𝘁𝗶𝗳… 𝗘𝘁 𝗱𝗼𝗻𝗰 𝗮𝗿𝗿𝗶𝘃𝗲𝗻𝘁 𝗮𝘂𝘀𝘀𝗶 𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁.

- Le second, c’est que le fumikomi n’a pas qu’un rôle de “signal” du ki-ken-tai,𝗶𝗹 𝗽𝗲𝗿𝗺𝗲𝘁 𝗮𝘂𝘀𝘀𝗶 𝗱𝗲 𝘀𝗲 𝘀𝘁𝗮𝗯𝗶𝗹𝗶𝘀𝗲𝗿 𝘃𝗶𝘀-𝗮̀-𝘃𝗶𝘀 𝗱𝗲 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗰𝗵𝘂𝘁𝗲 𝗲𝗻 𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁 𝗽𝗿𝗼𝘃𝗼𝗾𝘂𝗲́𝗲 𝗽𝗮𝗿 𝗹𝗲 𝗱𝗲́𝗽𝗹𝗮𝗰𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱𝗲 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗰𝗲𝗻𝘁𝗿𝗲 𝗱𝗲 𝗴𝗿𝗮𝘃𝗶𝘁𝗲́ 𝗮̀ 𝗰𝗮𝘂𝘀𝗲 𝗱𝗲𝘀 𝗯𝗿𝗮𝘀 𝗾𝘂𝗶 𝗽𝗮𝗿𝘁𝗲𝗻𝘁 𝗲𝗻 𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁.

Le rétablissement est donc aussi naturellement assuré 𝗽𝗮𝗿 𝗹𝗲 𝗿𝗲𝗯𝗼𝗻𝗱 𝗱𝘂 𝘀𝗮𝗯𝗿𝗲 𝗾𝘂𝗶 𝗿𝗲𝘃𝗶𝗲𝗻𝘁 𝗹𝗲́𝗴𝗲̀𝗿𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝘃𝗲𝗿𝘀 𝗹’𝗮𝗿𝗿𝗶𝗲̀𝗿𝗲. Cela nous permet de pouvoir plus rapidement enchaîner sur une autre technique, de rester disponible, si la première n’a pas porté ses fruits.

Maintenant que nous avons posé les bases du “kendô moderne”… Parlons de l’ancien temps et de sa présumée supériorité.

Car oui, j’y ai précédemment fait allusion, mais je le répète : L’ancien kendo serait supérieur.

Très bien, comparons donc les deux formes, et regardons si de tous points de vue, l’ancienne façon de faire est au-dessus, et si les propos de l’auteur à l’origine de ces posts sont en accord avec cela.

Tohma : La première différence, et pas des moindres, réside dans la distance abordée. Je n’en ai volontairement pas parlé en première partie, mais je pense néanmoins qu’il a vu encore une fois très juste : 𝗶𝗹 𝗲𝘀𝘁 𝗶𝗺𝗽𝗼𝘀𝘀𝗶𝗯𝗹𝗲 𝗱𝗲 𝗽𝗮𝗿𝘁𝗶𝗿 𝗱’𝘂𝗻𝗲 𝗴𝗿𝗮𝗻𝗱𝗲 𝗱𝗶𝘀𝘁𝗮𝗻𝗰𝗲 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗲 𝗰𝗲𝗿𝘁𝗮𝗶𝗻𝘀 𝗽𝗿𝗼𝗳𝗲𝘀𝘀𝗲𝘂𝗿𝘀 𝗻𝗼𝘂𝘀 𝗹𝗲 𝗱𝗲𝗺𝗮𝗻𝗱𝗲𝗻𝘁, 𝘀𝗮𝗻𝘀 𝗮𝘃𝗼𝗶𝗿 𝗳𝗮𝗶𝘁 𝘂𝗻 𝘀𝗲𝗺𝗲 𝗮𝘂 𝗽𝗿𝗲́𝗮𝗹𝗮𝗯𝗹𝗲 𝗮𝘃𝗲𝗰 𝗹𝗮 𝘁𝗲𝗰𝗵𝗻𝗶𝗾𝘂𝗲 “𝗺𝗼𝗱𝗲𝗿𝗻𝗲”. Les seules fois ou cela fonctionne… C’est quand les deux adversaires lancent en même temps et réduisent de fait la distance “par les deux bouts”. La technique de l’ancien temps semble changer la donne, et rien que pour cela, c’est très intéressant. Le point ne va néanmoins pas à l’ancien kendô pour autant : 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝗷𝘂𝘀𝘁𝗲 𝘂𝗻𝗲 𝘁𝗲𝗰𝗵𝗻𝗶𝗾𝘂𝗲 𝗱𝗶𝗳𝗳𝗲́𝗿𝗲𝗻𝘁𝗲, 𝗽𝗮𝘀 𝘀𝘂𝗽𝗲́𝗿𝗶𝗲𝘂𝗿𝗲.

Yorimi - Nuki : On peut le voir à partir d’ici, la technique du kendo “Bakumatsu” repose sur une autre mécanique que celle du kendô “Gendai”. Au lieu d’utiliser la puissance musculaire de la jambe arrière, 𝗼𝗻 𝗽𝗿𝗲́𝗳𝗲̀𝗿𝗲 𝘀𝗲 𝗱𝗲́𝘀𝗲́𝗾𝘂𝗶𝗹𝗶𝗯𝗿𝗲𝗿 𝘃𝗲𝗿𝘀 𝗹’𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁. L’avantage étant de pouvoir conserver plus longtemps durant sa phase d’accélération la pointe devant en guise de protection, 𝗰𝗮𝗿 𝘀𝗮 𝗺𝗮𝘀𝘀𝗲 𝗲𝘀𝘁 𝘂𝗻 𝗼𝘂𝘁𝗶𝗹 𝘀𝘂𝗽𝗽𝗹𝗲́𝗺𝗲𝗻𝘁𝗮𝗶𝗿𝗲 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗽𝗿𝗲𝗻𝗱𝗿𝗲 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝘃𝗶𝘁𝗲𝘀𝘀𝗲.

Pourquoi pas. Mais l’auteur dit aussi qu’avec un armé plus court, l’adversaire a beaucoup moins le temps de réagir, ce qui rendrait la technique supérieure. C’est il me semble, une allégation non supportée. La phase de prise de vitesse est beaucoup plus importante dans le kendô bakumatsu, 𝗲𝘁 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗲 𝗲𝗹𝗹𝗲 𝗿𝗲𝗽𝗼𝘀𝗲 𝘀𝘂𝗿 𝘂𝗻 𝗱𝗲́𝘀𝗲́𝗾𝘂𝗶𝗹𝗶𝗯𝗿𝗲 𝘃𝗲𝗿𝘀 𝗹’𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁, 𝗲𝗹𝗹𝗲 𝗲𝘀𝘁 𝗯𝗶𝗲𝗻 𝗺𝗼𝗶𝗻𝘀 “𝗰𝗼𝗻𝘁𝗿𝗼̂𝗹𝗮𝗯𝗹𝗲”. Ainsi il n’est pas rare de voir des kenshi “Gendai” durant divers championnats enchaîner les phase de “tame”, il serait impossible de faire cela à un telle vitesse pour une phase “yorimi - nuki”. De fait, on peut facilement “voir venir” un pratiquant bakumatsu,𝗾𝘂𝗶 𝘀𝗲 𝗹𝗮𝗻𝗰𝗲 𝗽𝗹𝘂𝘁𝗼̂𝘁 𝗰𝗼𝗺𝗺𝗲 𝘂𝗻 𝗿𝗵𝗶𝗻𝗼𝗰𝗲́𝗿𝗼𝘀 𝗾𝘂’𝘂𝗻𝗲 𝗽𝗮𝗻𝘁𝗵𝗲̀𝗿𝗲. Si la technique en particulier est (peut-être) moins prévisible, 𝗹𝗲 𝗳𝗮𝗶𝘁 𝗾𝘂’𝗶𝗹 𝘆 𝗲𝗻 𝗮𝗶𝘁 𝘂𝗻𝗲 𝗹’𝗲𝘀𝘁 𝗯𝗲𝗮𝘂𝗰𝗼𝘂𝗽 𝗽𝗹𝘂𝘀. Ainsi, il ne s’agirait probablement plus d’envisager la contre-attaque appropriée, 𝗺𝗮𝗶𝘀 𝘀𝗶𝗺𝗽𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗹’𝗲𝘀𝗾𝘂𝗶𝘃𝗲 𝗲𝘁 𝗹𝗲 𝗰𝗼𝗻𝘁𝗿𝗼̂𝗹𝗲 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗱𝗲́𝗰𝗹𝗲𝗻𝗰𝗵𝗲𝗿 𝘂𝗻𝗲 𝗼𝗽𝗽𝗼𝗿𝘁𝘂𝗻𝗶𝘁𝗲́ 𝗼𝗷𝗶-𝘄𝗮𝘇𝗮.

Autre point important relié à celui-ci, la phase d’Hikite en kendô Gendai peut servir aux pratiquants à prolonger la menace. Je pense aux techniques katsugi par exemple, grâce auxquelles Teramoto a d’ailleurs gagné les championnats du japon face à Takanabe. 𝗥𝗲́𝘀𝘂𝗺𝗲𝗿 𝗰𝗲𝘁 𝗮𝗿𝗺𝗲́ 𝗮̀ 𝘂𝗻𝗲 𝗳𝗮𝗶𝗯𝗹𝗲𝘀𝘀𝗲, 𝗹𝗮̀ 𝗼𝘂̀ 𝗶𝗹 𝗽𝗲𝘂𝘁 𝗱𝗲𝘃𝗲𝗻𝗶𝗿 𝘂𝗻 𝗿𝗲𝗱𝗼𝘂𝘁𝗮𝗯𝗹𝗲 𝗼𝘂𝘁𝗶,𝗹 𝗺𝗲 𝘀𝗲𝗺𝗯𝗹𝗲 𝗲̂𝘁𝗿𝗲 𝘂𝗻𝗲 𝗲𝗿𝗿𝗲𝘂𝗿.

Fumikomi : Celui-ci arrive AVANT la coupe, afin de profiter du pied frappant pour encore prendre de la vitesse derrière et rogner le dernier espace séparant le pratiquant de la cible. En tant que curieux de nature, d’enthousiaste à propos du kendô, cette créativité me fascine et me stimule. Ainsi, en compétition, en passage de grade, d’aucuns jugeraient que cette technique est imparfaite, mal coordonnée. Pourtant, elle faisait sens du temps du bakumatsu, 𝗲𝘁 𝘀𝗶 𝗹’𝗼𝗻 𝘀𝗲 𝗳𝗶𝗲 𝘂𝗻𝗶𝗾𝘂𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗮̀ 𝗹𝗮 𝗻𝗼𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝘁𝗿𝗮𝗱𝗶𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗮𝗻𝗰𝗲𝘀𝘁𝗿𝗮𝗹𝗲 𝗱𝘂 𝗸𝗲𝗻𝗱𝗼, 𝗲𝗹𝗹𝗲 𝗲𝘀𝘁 𝗽𝗹𝘂𝘀 𝗰𝗼𝗿𝗿𝗲𝗰𝘁𝗲 ! C’est principalement d’ailleurs cette phase qui permet à la distance de départ (tohma) d’être plus importante. En effet, on gagne facilement un demi pas en utilisant l’autre pied. Je rajouterais que le fait que la phase d’armé soit moins ample n’est sans doute pas dérangeant : en se déséquilibrant vers l’avant, une partie du poids du corps est transférée à la lame, qui s’abat donc avec largement assez de force sur la cible visée.

Zanshin : Si l’objectif de l’auteur était de montrer que la phase de zanshin est supérieure avec le kendo bakumatsu car l’on garde notre sabre devant, je pense que c’est plutôt un mauvais exemple. Le corps est encore déséquilibré vers l’avant, mais pire encore : 𝗹𝗲𝘀 𝗱𝗲𝘂𝘅 𝗽𝗶𝗲𝗱𝘀 𝘀𝗼𝗻𝘁 𝗲𝘅𝗮𝗰𝘁𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗮𝘂 𝗺𝗲̂𝗺𝗲 𝗲𝗻𝗱𝗿𝗼𝗶𝘁, 𝗿𝗲́𝗱𝘂𝗶𝘀𝗮𝗻𝘁 𝗱𝗿𝗮𝘀𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗹𝗲 𝗽𝗼𝗹𝘆𝗴𝗼𝗻𝗲 𝗱𝗲 𝘀𝘂𝘀𝘁𝗲𝗻𝘁𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻. Une simple pichenette latérale suffirait à déséquilibrer ce combattant, s’il a le malheur d’avoir raté sa coupe. Sans compter bien sûr la plus grande difficulté à pouvoir enchaîner ou corriger la technique.

Rappelons enfin le but du kendô, que nous avons trop souvent tendance à oublier :

“𝗙𝗮𝗶𝗿𝗲 𝗱𝗲 𝗻𝗼𝘂𝘀 𝗱𝗲 𝗺𝗲𝗶𝗹𝗹𝗲𝘂𝗿𝘀 𝗲̂𝘁𝗿𝗲𝘀 𝗵𝘂𝗺𝗮𝗶𝗻𝘀 𝗴𝗿𝗮̂𝗰𝗲 𝗮𝘂𝘅 𝗽𝗿𝗶𝗻𝗰𝗶𝗽𝗲𝘀 𝗱𝗲 𝗹’𝗲𝘀𝗰𝗿𝗶𝗺𝗲 𝗷𝗮𝗽𝗼𝗻𝗮𝗶𝘀𝗲”

(version longue sur le site de la fédération japonaise “purpose of kendô”)

L’objectif n’est absolument pas “devenir d’excellents escrimeurs dans le monde réel capables d’être efficaces un sabre à la main”. En revanche, comme dit dans le tout premier article de cette page Facebook, ( ici : https://www.facebook.com/LeKendoFrancais/posts/104873328543495 ) cela ne doit pas nous empêcher de rechercher l’excellence technique en kendô, c’est même plutôt ce qui nous est demandé.

Résumons donc ensemble les avantages et les inconvénients du Bakumatsu kendo face au Gendai avec cet éclairage :

- Distance d’attaque différente (neutre)

- Moins de contrôle une fois l’action partie (neutre, car cela pourrait aussi nous inciter à plus de sutemi).

- Moins de lisibilité des gestes d’armée (neutre, car cela supprime une partie des opportunités de menace)

- La tête qui reste en avant (point positif pour éviter les blessures avec un contrôle sur tsuki, même si d’un point de vue biomécanique, ça n’est pas plus dangereux).

- Phase de zanshin en déséquilibre (point négatif évident pour la fragilité de cette position)

De façon générale donc, nous nous retrouvons avec une approche qui ne me semble ni négative, ni positive. 𝗘𝗻 𝗿𝗲𝘃𝗮𝗻𝗰𝗵𝗲, 𝗲𝘁 𝗰𝗲 𝘀𝗲𝗿𝗮 𝗺𝗮 𝗰𝗼𝗻𝗰𝗹𝘂𝘀𝗶𝗼𝗻, 𝗶𝗹 𝘀𝗲𝗿𝗮𝗶𝘁 𝗲𝘅𝘁𝗿𝗲̂𝗺𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗽𝗼𝘀𝗶𝘁𝗶𝗳 𝗾𝘂𝗲 𝗻𝗼𝘂𝘀 𝗹𝗮 𝗿𝗲́𝗶𝗻𝘁𝗿𝗼𝗱𝘂𝗶𝘀𝗶𝗼𝗻𝘀 𝗱𝗮𝗻𝘀 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗲𝗻𝘀𝗲𝗶𝗴𝗻𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁, 𝗲𝘁 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗳𝗮𝗰̧𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗷𝘂𝗴𝗲𝗿 𝗹𝗲 𝗸𝗲𝗻𝗱𝗼̂.

Pourquoi ? Car cela nous offrirait une technique avec :

- Une distance d’attaque différente.

- Un seme différent.

- Des notions de prise de risques (sutemi) accrues !

Je pense que nous n’aurions qu’à gagner à augmenter notre répertoire technique, et si les ashi barai et autres luttes au corps à corps sont tolérées dans les championnats entre polices, pourquoi pas les men bakumatsu ?

Cessons de chercher à savoir “qui a la plus grosse”, 𝗲𝘁 𝗶𝗻𝘁𝗲́𝗴𝗿𝗼𝗻𝘀 𝗶𝗻𝘁𝗲𝗹𝗹𝗶𝗴𝗲𝗺𝗺𝗲𝗻𝘁 𝘁𝗼𝘂𝘁 𝗰𝗲 𝗾𝘂𝗶 𝗽𝗲𝘂𝘁 𝗻𝗼𝘂𝘀 𝗱𝗼𝗻𝗻𝗲𝗿 𝘂𝗻 𝗮𝘃𝗮𝗻𝘁𝗮𝗴𝗲.

Et vous, vous en pensez quoi ?

Article rédigé par Ghais sous le pseudo “Le kendo français” sur facebook

La philosophie du kata

Extrait du livre de INOUE Yoshihiko, Kendo Hanshi 8ème Dan : « KENDO KATA : Essence and application ».

Traduit par Alexander Bennett, Docteur en sciences humaines et professeur à l’Université de culture et d’histoire japonaise du Kansai au Japon, Kendo kyoshi 7ème dan, puis édité par Kendo World Publications en 2003

Traduction française : Fabien RIVAILLE en Mai 2022

Je remercie chaleureusement le Dr Alexander Bennett d’avoir accepté que je diffuse cette traduction.

IPPON-ME à SANBON-ME

Avant de se plonger dans les explications et les subtilités de la mentalité qui est à la base du kendo kata, je pense qu’il est important de faire une différence entre le sport et le budo. Chaque fois qu’on me demande de donner une conférence sur le kendo, je commence toujours par demander aux participants : « le kendo est-il un sport ou un budo ? » Quand j’enseigne à des kendoka étrangers, ils me répondent généralement que c’est un budo. Je continue alors en demandant « Quelle est la différence entre le sport et le budo ? » Ce à quoi la réponse est principalement « les aspects spirituels sont différents ». Quand je persiste et demande « Quelle sont les différences entre les aspects spirituels du sport et celles dans le budo ? », les plaisanteries s’arrêtent généralement d’un coup.

Dans le monde du sport, il existe le concept d’ « esprit sportif », un état d’esprit qui encourage à se défier de façon honnête et franche tout en respectant les règles. C’est très proche de ce que le premier article du guide officiel Règles du Shiaï kendo présente lorsqu’il parle du « but des règlements est d’amener les compétiteurs à jouer franc jeu en shiai conformément aux principes du sabre… ».Est-ce si différent de ce fameux « esprit sportif » ? Beaucoup de personnes pourraient dire que la différence entre le sport et le budo réside dans « les principes du sabre. Cependant, respecter les principes du sabre peut être perçu comme étant équivalent à respecter les règles, un des prérequis de l’état d’esprit sportif, c’est pourquoi ce n’est pas un argument convaincant permettant de faire la différence. Si le but principal du Kendo n’était rien de plus que de gagner un shiai, l’essence même du kendo ne serait pas visible et se placerait donc quelque part dans le domaine du sport. Dans d’autres termes, si le pratiquant considère que la victoire en shiai est le but à atteindre, alors on parle de sport et il est difficile de le définir comme budo. Un regard sur le kendo kata, notamment le premier, offre quelques indices sur ce qu’est le réel objectif du kendo.

La compétition met l’accent sur le fait de remporter la victoire sur son adversaire et c’est d’ailleurs l’objectif principal. Dans le but de gagner, les techniques doivent être pratiquées et répétées sans relâche. La compétence technique force en effet l’admiration des autres mais, dans une idée plus large, il est difficile de trouver le lien entre une telle compétence technique et la contribution à faire évoluer la société.

Pour aller plus loin, « do » ou « voie » est considéré comme le cœur du kendo, mais pour atteindre cette voie, il faut d’abord en posséder les techniques de combat (jutsu). Dans ce sens, le shiai est plus une démonstration de jutsu que de do, mais c’est une étape nécessaire pour la compréhension de la vraie voie du kendo. C’est quelque chose que j’approfondirai dans l’analyse qui suit sur les kata. L’esprit sportif est « l’esprit de se mesurer à son adversaire avec une attitude de fair-play », alors que l’esprit du budo soutient l’idéal de « vivre et laisser vivre conformément à la vertu martiale au travers de l’absence de combat et de compétition. » Au regard de cela, dans les 2 premiers kata de kendo, chaque kenshi prend son sabre et fait la démonstration de ses qualités physiques et de son agilité acquises grâce à un entraînement incessant. Pour cela, ippon-me et nihon-me sont des kata très physiques/techniques par nature. D’un autre côté, sanbon-me aborde le côté métaphysique du kendo et présente une tentative de comprendre la voie et la vertu martiales mentionnées ci-dessus, l’idéal spirituel du kendo. Nakayama Hakudo, un maître de kendo très célèbre et également membre du comité qui définit les kata de kendo au début du XXème siècle, annonça qu’il y a 3 points spirituels principaux dans le kendo : « gi » droiture morale, « jin » compassion, « yu » valeur morale. Je crois que ippon-me est l’image du premier concept : « gi », la droiture morale.

IPPON-ME

« La sincérité est la voie pour accéder au paradis et avoir foi en la sincérité est la voie de l’humanité. » Comme il est indiqué dans l’une des descriptions originales du kendo kata « les deux prennent jodan et progressent avec assurance… ». Uchidachi et Shidachi prennent la garde jodan no kamae, la garde connue sous le nom de garde du ciel, avec la pointe du sabre pointant vers le haut. Cela signifie que chacun des 2 pratiquants est confiant dans ses convictions en prenant tous deux cette garde très puissante et aucun ne fait ni le bon ni le mauvais choix. Les deux sont sincères et cela annonce un affrontement inévitable d’une notion de dignité contre une autre. En théorie, la victoire sera à celui qui possède la meilleure technique et une meilleure compréhension du Shin-Ki-Ryoku-Itchi (union du mental, de l’esprit et de la technique). De ce fait, le premier kata du Kendo kata évoque la première étape dans la maîtrise de la voie du kendo, en cultivant la puissance technique ainsi que les compétences nécessaires pour renforcer ses propres convictions et sa droiture.

Le grand maître Yamaoka Tesshu dit un jour : « La voie pour maîtriser le kenjutsu est de maîtriser le sens de ji (technique) et ri (théorie). Ainsi, on trouvera la vérité par la réalisation des fonctions de l’esprit et du corps grâce à l’entraînement des techniques. De plus, si vous vous entraînez au-delà de toutes les limites perceptibles, vous cesserez de penser à ji et à ri. Pour atteindre cet état d’illumination, vous devez vous affiner, vous devez vous tempérer, rechercher la maîtrise en vous exposant corps et âme à une austérité insondable pendant de nombreux mois, voire des années et vous finirez par y arriver, comme le cours naturel de votre entraînement. Par exemple, tout comme le fait de pouvoir dire si l’eau est chaude ou froide en la buvant, vous ne pouvez connaître un tel état de conscience divin qu’en l’expérimentant (reidanjichi). Alors vous saurez la vraie signification de Muto-ryu, l’école de sabre sans sabre. »

Ainsi, le moyen de réussir à façonner la droiture morale est divisé en 4 étapes : étudier Ji, étudier Ri, étudier comment le Ji et le Ri sont les deux faces d’une même pièce. La dernière étape est d’étudier jusqu’au point où ce concept devient tellement associé qu’il n’a plus de place définie par rapport à l’autre.

Par conséquent, la première étape dans le kendo est d’affiner et tempérer son Soi, rechercher la maîtrise en s’exposant corps et âme à une austérité insondable, la capacité à sacrifier tout son être dans la coupe (sutemi no itto). C’est ce que représentent les cris « yaah » et « tou » dans ippon-me. En fait, le niveau de dévouement et de sacrifice mis en œuvre dans l’attaque et observé dans ippon-me constituerait en effet un point fantastique s’il était exécuté lors d’un shiai. En ce sens, si le shiai était pratiqué avec les idéaux mentionnés ci-dessus à l’esprit, alors la compétition serait en effet un grand avantage pour le kendoka pour trouver la vraie voie. Cependant, aussi lamentable que cela puisse être, il semble que de nombreux kendoka actuels accordent peu de sérieux à la véritable voie du kendo et à son potentiel humaniste, mais préfèrent concentrer uniquement leurs efforts sur l’apprentissage de la façon de vaincre leurs adversaires, par tous les moyens nécessaires, sans aucun autre intérêt que celui du goût sucré de la victoire. Cette remarque n’est pas uniquement applicable pour le kendo, mais également dans de nombreux autres arts budo ou bujutsu qui voient certains se concentrer principalement sur la technique et obtenir une certaine satisfaction personnelle grâce à la victoire plutôt que de se concentrer sur les capacités à forger le caractère, semblant être sans aucune intérêt. Tout ce qui se rattache à un « do » ne doit pas peser que sur les aspects techniques, mais également chercher à oublier l’esprit avec le corps afin que les deux forment une unité naturellement équilibrée et globale, élevant l’individu à un autre niveau de qualité humaniste. Ceci est le sens du « do ». Se concentrer uniquement sur la technique est une recherche purement sportive et si le kendoka ne se préoccupe que d’améliorer le waza pour améliorer les autres, et ne va pas chercher au-delà de ce point, cela devient un exercice purement égoïste. Peaufiner des compétences afin de donner force à sa propre notion de droiture morale ainsi que les motivations de l’effort doivent être la base du commencement de l’amélioration de soi afin d’apporter une contribution significative à la société.

Permettez-moi de développer ce point. Ce n’est que l’instinct primaire de l’Homme que d’essayer de survivre. Les bujutsu sont donc des techniques créées dans le but de se défendre et d’assurer sa survie. Le kanji pour « bu » dans « budo » est souvent interprété au Japon comme étant composé des composants hoko (lance) et tomeru (arrêt), signifiant ainsi arrêter de jouer. A l’inverse, cette interprétation diffère du sens original chinois où il signifie « arrêter les autres par l’usage de la lance ». En d’autres termes, il indique l’instinct animal des êtres humains qui est que les forts soumettent les faibles. Au cours de la période chaotique des provinces en guerre (XVème et XVIème siècle) de l’histoire japonaise, de nombreux seigneurs de guerre et leurs armées proclamèrent la justesse de leur cause alors qu’ils procédaient à la destruction de ceux qui tentaient de faire de même. La guerre signifie essentiellement tuer et c’est le sens de bu. Quelle que soit la raison de la cause qui nécessite la mort, on ne peut échapper au fait que tuer est mal. C’est pourquoi les bushis se sont tournés vers le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme, dans le but d’apaiser leur conscience. Ce qui résulta de l’intellectualisation des bushis, dont l’objectif était de trouver des moyens de faire face à leurs dilemmes moraux, fut la juxtaposition de « bun », ou lettres et « bu ». les bushis devinrent contraints d’embrasser la voie des mots autant que celle de la guerre. Il ne s’agissait pas de « la plume est plus puissante que l’épée », mais de « la plume et l’épée sont toutes puissantes ensemble ». Au cours des 300 ans de l’Ere Tokugawa (1603 – 1867), le Japon s’est isolé du reste du monde (sakoku) et, dans ce contexte, les arts militaires furent peaufinés et évoluèrent vers une forme japonaise unique mettant l’accent à la fois sur le bun et le bu comme les deux faces d’une même pièce, offrant ainsi la voie du développement personnel aujourd’hui connue sous le nom de budo.

Bon nombre des pionniers de ce modèle de développement étaient de grands guerriers qui avaient l’expérience de l’enfer de la guerre et du stress d’être confrontés au choix de tuer ou d’être tué. Ce qui était utilisé sur le champ de bataille de la période des Provinces en guerre était des techniques uniquement utilisées pour éradiquer les ennemis. Dans le cas de l’escrime, les techniques de mise à mort du kenjutsu évoluèrent vers la voie pacifique du kendo qui se concentre non pas sur la mise à mort mais sur le développement personnel.

L’influence du bouddhisme dans le budo ne peut être surestimée. L’un des idéaux centraux du bouddhisme est que toutes les créatures sont égales. Tout, depuis la fleur épanouie, les oiseaux, les chiens, les chats, etc., possède la même nature de bouddha. La force vitale contenue dans chaque être vivant est la même. Cependant, les humains doivent manger pour vivre. Même si les poissons, les animaux et les plantes ne sont pas sur cette terre dans le but d’être consommés par les humains, pour que les humains survivent, nous sommes obligés de prendre la vie d’autres êtres vivants. Cela signifie, d’un point de vue bouddhiste, que les humains commettent naturellement des offenses pour survivre et ont perpétuellement besoin de pénitence pour leurs péchés. Même dans les actions qui ne concernent pas le fait de se nourrir, quiconque qui fait quelque chose, même si c’est à bon escient, ne peut réussir à le faire sans commettre inévitablement quelque péché. Le problème est de savoir comment ce péché est traité. L’agresseur est-il repentant ? Ont-ils peur des conséquences ? Ces deux facteurs sont de la plus haute importance.

Hayashizaki Kansuke a dit un jour, à propos de l’attitude essentielle du « yaa » et du « tou » du premier kata : « même si votre ennemi est très mauvais, ne tirez pas votre sabre et ne laissez pas votre ennemi tirer le sien. Ne coupez pas et ne soyez pas coupé. Ne tuez pas et ne soyez pas tué. Aidez-les à se transformer en une bonne personne. S’ils ne s’y conforment toujours pas, alors envoyez-les dans l’autre monde. » Le « yaa » et le « tou » de ippon-me ne sont pas le résultat des soi-disant trois poisons (sandaku) du bouddhisme (haine, désir et ignorance), mais sont une expression d’une droiture contre une autre droiture. Cependant, le résultat est la mort pour le perdant de la rencontre et un tel meurtre est le plus grave des péchés cardinaux du bouddhisme. Ainsi, une pénitence sérieuse est requise. La pénitence est un moyen d’auto-assistance. La pénitence est donc le lien entre le frisson du combat et le frisson de la voie bouddhique. Ce n’est pas seulement une façon de s’aider soi-même, mais aussi d’aider les autres. Cela va encore plus loin dans la réparation des péchés commis. Au Kenjutsu, le vainqueur survit et le perdant est tué. Le vainqueur doit donc s’engager dans la pénitence pour le péché d’avoir pris la vie d’un autre. Cette repentance est le début de la métamorphose du kenjutsu en kendo.

Ainsi, dans le zanshin démontré dans ippon-me, non seulement doit-on supposer une image parfaite avec une conscience de la situation ne laissant aucune ouverture aux représailles, mais aussi, shidachi doit ressentir un sentiment de pénitence pour l’acte de prendre théoriquement la vie de un autre dans le choc du droit contre le droit. Ce sentiment de pénitence se confond avec le choix de la technique utilisée dans nihon-me.

NIHON-ME

« Uchidachi et Shidachi prennent la garde chudan… »

Lorsque le kendo kata a été conçu, il a été fondé sur la parti pris que le groupe de ippon-me à sanbon-me serait principalement destiné à l’enseignement dans les écoles alors que les kata à partir de yohon-me joueraient un rôle éducatif avancé pour le kendoka adulte. Ainsi, dans les trois premiers kata, jodan, chudan et gedan sont les termes utilisés pour décrire les différents kamae. Cependant, à partir de yohon-me, le terme seigan est utilisé pour désigner chudan. En fait, seigan a été utilisé jusqu’en 1981, lorsque le manuel d’instruction officiel des kata a été revu et, par la suite, seigan devint chudan. Il y a des différences fondamentales entre les deux kamae et cette fusion n’est pas sans problèmes car le terme seigan a un sens profond qui a prend plus d’importance à mesure que le kendoka avance dans la connaissance et l’expérience.

Hori Shohei écrit dans kendo no shintei « Il existe deux types de chudan no kamae trouvés dans le kendo kata. Ce sont le seigan et le chudan. Le seigan est légèrement plus haut et le chudan est légèrement plus bas. » De plus, le célèbre maître de kendo Saimura Goro explique le kendo kata dans son livre Shinsei Kendo Kyokasho de la manière suivante :

Cette explication démontre clairement qu’il y avait une distinction entre chudan et seigan. Il n’y a aucune explication à trouver concernant pourquoi seigan et chudan sont soudainement devenus une seule et même chose, il est donc probablement difficile pour les débutants de comprendre pleinement la signification. Dans les explications récentes du kendo kata, un point de discorde concernant le 6ème kata “roppon-me” a été abordé avec l’explication suivante : « Dans Roppon-me, Uchidachi et Shidachi se tiennent à neuf pas l’un de l’autre. Uchidachi n’est plus obligé d’abaisser légèrement le kensen de chudan pour contrer le gedan de shidachi ». Cette interprétation différente est évidemment due à la fusion de seigan et chudan. En d’autres termes, la fausse idée réside dans le fait qu’uchidachi n’ajuste pas chudan pour contrer le gedan de shidachi, mais que shidachi prend gedan pour contrecarrer le seigan d’uchidachi. Ce point de discorde semble contredire les concepts originaux derrière la formation du kendo kata et je suis d’avis qu’il faudrait faire de plus amples recherches sur ce sujet.

Le Comité Dai Nippon Teikoku Kendo Kata. Negishi Shingorō est assis à l'avant à droite avec Tsuji Shinpei (Shingyoto Ryu) à côté de lui. Au fond de droite à gauche : Takano Sasaburo (Itto Ryu), Monna Tadashi (Hokushin Itto Ryu) et Naito Takaharu (Hokushin Itto Ryu). La photo date de 1912

Il n’y a aucune mention réelle de l’endroit où le kensen devrait être positionné dans la garde chudan originale, mais il y a un rapport officiel intéressant du procès-verbal d’une discussion concernant l’ébauche finale du kata sus-mentionné.

Membre du comité Yano : « Il est dit que « les deux prendrons chudan et progresseront jusqu’à ce qu’ils se rencontrent au bon maai…”, mais il existe deux types de chudan dans lesquels le kensen est soit haut soit bas. Quel chudan est concerné ici? Le haut ou le bas ? »

Responsable en chef Negishi : « Il est correct de positionner le kensen à hauteur de poitrine de l’adversaire. »

Yano : « S’il s’agit de la manière officielle de procéder, cela doit être clairement indiqué comme tel. »

Negishi : « Évidemment, cela varie d’une personne à l’autre, mais comme c’est la norme de positionner le kensen à hauteur de poitrine, je ne vois aucune raison d’en faire un problème et de le clarifier davantage. »

Membre du comité Nakayama : « Je suis d’accord. Naturellement, il y aura des variations dans le positionnement du kensen en chudan, mais cela dépend de la situation en cours, tout comme c’est le cas avec les variations de techniques pendant le combat. »

Le président conclura qu’en raison de la majorité favorable, l’ébauche restera inchangée sur ce point.

Ainsi, les pouvoirs en place ont décidé que le kensen devait être officiellement positionné à hauteur de poitrine. Cependant, il existe des explications officielles de kata en circulation qui stipulent que la hauteur du kensen dans le chudan doit être à la hauteur de la gorge. Encore une fois, une question qui doit être étudiée.

La raison pour laquelle j’ai passé autant de temps sur la question de seigan est à cause de la signification religieuse du mot. Seigan dispose de nombreux kanji différents qui pourraient être utilisés pour l’écrire. Les caractères les plus couramment utilisés peuvent être littéralement traduits par “œil droit/correct”. Le mot clé est « œil ». Bien sûr, les êtres humains utilisent leurs yeux pour regarder les choses. Or, dans l’Inde ancienne, selon la tradition bouddhique, le mot regarder impliquait non seulement l’action physique, mais aussi savoir, écouter et comprendre. Conformément à cette interprétation, il existe un concept de go-gen, ou les cinq sortes d’yeux (« gan » peut aussi être lu comme « gen »).

  1. L’œil de ceux qui ont un corps matériel (niku-gen)
  2. L’œil divin des êtres célestes dans le monde des formes (ten-gen)
  3. L’œil de la sagesse par lequel les deux véhicules observent la pensée de la non-substantialité (ji-gen)
  4. L’œil de la loi par lequel les bodhistattvas perçoivent tout enseignement afin de conduire les êtres humains à l’illumination (ho-gen)
  5. L’œil du Bouddha, les quatre types d’yeux, énumérés ci-dessus, existant dans le corps du Bouddha (butsugen)

Le « gan » dans seigan correspond à ces 5 « gen » et c’est un point très important concernant le véritable sens psychologique derrière le kamae. Il représente la croyance de Bouddha selon laquelle la nature de Bouddha (cœur droit) est propre à tous les humains.

Dans nihon-me, uchidachi et shidachi se font chacun face en garde chudan. Le mouvement réel dans le kata lui-même, d’un simple coup d’œil, ne semble pas si difficile à faire, même pour les débutants. Cependant, compte tenu de la signification susmentionnée qui se cache derrière le chudan/seigan kamae, il est très important que le kamae soit fait correctement. C’est ce qui fait du chudan la garde d’attaque/défense la plus élémentaire du kendo et le nihon-me représente l’étape du kendo où le kenjutsu fait liaison avec le kendo.

Uchidachi crie « yaa » en avançant pour détruire shidachi et lui couper le poignet. Shidachi, cependant, garde le contrôle et s’écarte rapidement en reculant en diagonale vers la gauche. Selon la description officielle, shidachi recule en diagonale vers la gauche à partir du pied gauche (le pied droit suivant instantanément) tout en laissant tomber le katana dans la zone du demi-cercle inferieur de uchidachi. Ensuite, faites un grand pas en avant du pied droit et frappez le poignet (kote) droit. C’est l’acte de frapper kote qui révèle l’esprit de seigan no kamae, l’esprit de jin ou sympathie/compassion. En d’autres termes, si on compare ippon-me avec nihon-me, les situations et la distance (maai) sont pratiquement identiques et il serait facile pour shidachi de donner le coup de grâce et ainsi tuer uchidachi. Au lieu de cela, shidachi prend l’option kote et, bien que la capacité à combattre de uchidachi n’existe plus, ce dernier n’est pas tué sur le coup. C’est en cela que réside le sens de la phrase de Hayashizaki Kansuke « ne tue pas et ne te fais pas tuer ». Ippon-me est une démonstration de l’habileté technique et de la conviction de tuer ou d’être tué pour ce que l’on croit être juste. Nihon-me a la même conviction, mais est plus avancé dans le sens où l’objectif est atteint avec plus de retenue, en utilisant juste assez de compétence technique sans excès. C’est le début du « butoku » ou vertue martiale. Kaibara Ekken, un célèbre érudit confucéen de la période Edo a dit un jour que « le bugei (arts martiaux) est accompli grâce à la bravoure d’hommes ordinaires, mais le vrai budo n’est découvert que par la noble voie de la vertu martiale ». Ainsi, ippon-me, représenté par « gi » ou droiture morale, est la voie des Hommes. Nihon-me, représenté par « jin » (compassion), est la voie du cœur des Hommes. Ceci est porté à un autre niveau dans sanbon-me avec le concept de « yu » ou valeur morale.

SANBON-ME

La technique utilisée dans sanbon-me est le tsuki, mais personne n’est tsuki-é à mort. Ni uchidachi ni shidachi ne sont touchés ou blessés de quelque manière que ce soit, et si cela se produisait lors d’un shiai, les arbitres n’auraient d’autre choix que de déclarer un match nul. Cependant, shidachi est celui qui finit par prendre le contrôle et fait littéralement voir la mort à uchidachi alors que son kensen est placé juste entre ses yeux. Un faux mouvement entraînerait une mort instantanée. Cette situation va au-delà d’une situation gagnant/perdant. En fait, c’est l’ultime vérité du kendo. Un vieil adage confucéen dit « Rien n’est plus déchirant que le dernier chant d’un oiseau. Rien n’est plus juste que les derniers mots d’un homme ». Dans sanbon-me, Uchidachi fait face à la mort et ce moment est le jugement suprême. Shidachi a le pouvoir de se débarrasser simplement de uchidachi, mais fait preuve d’une valeur morale incroyable en ne touchant même pas la chair. Le kensen de Shidachi offre à Uchidachi la chance de pouvoir réfléchir sur le sens de la vie, une appréciation transcendante que tous les êtres vivants ressentent lorsqu’ils sont sur le point de périr, tandis que toute arrogance est supprimée de cette existence capricieuse et Uchidachi en est réduit à la forme de vie la plus humble et la plus honnête. Après cette période de réflexion instantanée et inspirante, chacun reprend chudan et revient à son point de départ. Tous deux ont été éclairés par cette expérience et, à mesure qu’ils reculent, un serment tacite est fait de respecter la vie et de la vivre pleinement, en aidant les autres à faire de même. Une telle valeur morale est respectée par tout le monde et a le pouvoir à la fois de pacifier et d’encourager. C’est le véritable objectif de la voie du kendo.

YOHON-ME à NANAHON-ME

Selon l’explication originale du kata, « dans yohon-me, les deux côtés avancent l’un vers l’autre en prenant les kamae Yin et Yang… » (yin yang = in’yo ). Ainsi, les kata numéros quatre, cinq et six peuvent être expliqués en utilisant la théorie du yin yang. Ceci est basé sur le parti pris que l’univers naît de l’interaction du yin et du yang, accompagnée de la théorie des 5 phases (Japon : go-gyo - c’est-à-dire : bois, feu, terre, métal et eau). Ces cinq phases ou éléments doivent être compris comme des forces abstraites qui déterminent le cours de l’univers. La théorie du yin-yang et des cinq phases sont connues ensemble en japonais sous le nom de in’yo go-gyo-setsu (Chine : Yin-Yang Wu-Hsing). Les kata susmentionnés sont une représentation de ces anciennes théories cosmologiques. Cela dit, il existe un certain nombre d’interprétations différentes de la théorie in’yo go-gyo, et pour éviter toute confusion, je vais essayer de clarifier ces différences.

In’yo go-gyo peut être divisé en trois théories générales différentes. Ce sont la « théorie de la production mutuelle », la « théorie du dépassement mutuel » et la « théorie centrée sur la Terre ». Toutes ces théories ont été utilisées d’une manière ou d’une autre par les écoles martiales traditionnelles au Japon. Si telle ou telle garde était yin dans une école, la même pouvait être considérée yang dans une autre, selon l’interprétation que ce style utilisait comme base pour sa théorie militaire. En fait, il existe tellement de variantes des théories du yin et du yang que, dans de nombreux cas, il est difficile de clarifier ce qui constitue réellement la base du kendo kata. Quelles que soient les difficultés rencontrées, il est important de persévérer et d’essayer d’établir ce qui est à la base philosophique du kata de peur que ses aspects spirituels ne soient abandonnés pour la forme uniquement.

Théorie IN’YO GO GYO (Yin-Yang Wu-Hsing)

À l’origine, Yin-Yang et Wu-Hsing (cinq éléments ou phases) étaient des théories sans aucun lien. Depuis les temps anciens, il y avait une tendance en Chine à considérer les phénomènes comme fonctionnant en dualité. Yin et Yang ont apparemment été les premiers termes à être utilisés pour créer une catégorie d’ordre dans un sens abstrait et philosophique. Les systèmes catégoriques séparés du Yin-Yang et du Wu-Hsing ont été combinés, systématisés et amplifiés pendant la période des Royaumes combattants (403 - 221), en particulier sous l’influence de Tsou Yen (IVème siècle avant notre ère).

Le Yin et le Yang sont les deux énergies polaires qui, par leur fluctuation et leur interaction, sont à la base de l’univers. Une grande variété de phénomènes dualistes ont été caractérisés en termes de Yin et de Yang : À l’origine, le mot yin désignait le côté nord d’une montagne faisant face au soleil, tandis que yang désignait le côté faisant face au soleil. Ensuite, il en est venu à désigner des aspects doubles de l’univers tels que le ciel et la terre, le jour et la nuit, le froid et le chaud, l’homme et la femme, etc.

Les cinq phases ont commencé comme une ligne de pensée individuelle. Les phases (bois, feu, terre, métal et eau) sont des paradigmes ou des analogies pour des modes de comportement spécifiques. Ceux-ci ont été combinés avec le système catégorique du yin et du yang. Les cinq phases étaient considérées comme se déplaçant à travers des cycles de succession réguliers et prévisibles à la fois dans l’espace et dans le temps. Le yin et le yang étaient deux énergies polaires qui, par leur fluctuation et leur interaction, créèrent l’univers. Le yang contient le yin, le yin contient le yang et sont la base des dix mille choses (wan-wu). Parfois, le yang apparaîtra et, à d’autres moments, le yin émergera. Cette manifestation de tous les phénomènes est considérée comme un processus cyclique, une naissance et une disparition sans fin, et un tout, en atteignant son stade extrême, se transforme en son contraire. la caractéristique commune sous-jacente du yin et du yang consiste donc à susciter ce changement continu. Par exemple, la lumière des bougies pendant la journée est yin, mais serait yang durant la nuit.

Comme je l’ai rappelé, malgré le fait qu’il existe un certain nombre de théories des cinq phases du yin et du yang, les plus représentatives sont : la « théorie de la terre comme élément central », la « théorie du dépassement mutuel » et la « théorie de la production mutuelle ».

Théorie de la terre comme élément central

  • Yang :
    • bois, Est, printemps, matin, vert, Seiryu le dieu dragon de l’Est
    • feu, Sud, été, journée, rouge, Shujaku le dieu oiseau vermillon du Sud.
  • Terre :
    • centre, jaune, Kiryu le dieu dragon jaune du centre.
  • Yin :
    • métal, Ouest, automne, soirée, blanc, Byakko le dieu tigre blanc de l’Ouest
    • Eau, Nord, hiver, nuit, noir, Genbu le dieu serpent enroulé du Nord

Il existe une explication intéressante assimilant cette théorie au mouvement du soleil :

« Le matin, le soleil apparaît au-dessus de l’horizon à l’Est. C’est comme la naissance du soleil. Ainsi, l’Est est la direction du lever du soleil, mais elle est aussi la direction de la vie et du printemps, ainsi que la phase du bois. Ensuite, le soleil monte dans le ciel jusqu’à son point le plus élevé qui est la position la plus centrale. Ce point culminant est appelé Sud et est représenté par la direction Sud. À ce stade, le soleil est le plus ardent et est la direction de la vigueur et de l’été et la phase qui le régit est le feu. Depuis ce sommet, le soleil voyage vers l’Ouest et redescend vers l’horizon. L’Ouest est la direction de la vieillesse et de l’automne et est régi par la phase du métal. Le soleil tombe ensuite sous l’horizon et la chaleur disparaît alors que le monde plonge dans l’obscurité. La direction devient le Nord et la phase est l’eau. C’est la direction de la mort et de l’hiver ».

Le célèbre moine Zen Takuan a proposé une explication simple de la théorie yin-yang wu-hsing.

« Yin. Lorsque les choses en mouvement s’arrêtent, cela s’appelle yin. Yang. Lorsque le yin recommence à bouger, cela s’appelle le yang. Lorsque le yang s’immobilise, il redevient yin et ainsi de suite. Tout dans l’univers découle de l’interaction entre le yin et le yang. Même s’il existe les deux termes yin et yang, ils sont inextricablement liés en une seule entité, comme l’eau et les vagues.

Les cinq phases du bois, du feu, de la terre, du métal et de l’eau sont combinées avec le yin et le yang. Le bois et le feu sont classés comme yang. Le bois vient du printemps et le feu vient de l’été. Au printemps, le yang prend de l’ampleur.

Le métal et l’eau sont tous deux yin. Nous ressentons l’énergie positive de la montée du yang au printemps. Cette positivité dure tout l’été, mais commence à décliner à l’automne. Les fleurs fleurissent au sommet des plantes au printemps, mais retombent aux racines en automne. Le soleil et la lune montent dans le ciel et descendent à l’ouest. Même les poissons nagent en amont au printemps et en été, mais reviennent en aval en automne et en hiver. Le yang de feu de l’été se transforme en métal à l’automne. Les choses lourdes cherchent à descendre. Les choses associées au yang sont invariablement légères et montent donc vers le haut. Plus elles s’élèvent, plus elles deviennent complètement développées et donc plus lourdes, ce qui conduit à une éventuelle descente. Au fur et à mesure que les gens vieillissent, leur poids augmente également et, dans leur “automne”, ils finissent par posséder les qualités de la phase métallique.

Au fur et à mesure que les feuilles sèchent et meurent sur les branches, elles tombent jusqu’à la racine de l’arbre. Au fur et à mesure que la positivité perd de sa vigueur et s’immobilise, elle devient l’hiver et la phase de l’eau. L’eau coule et se forme dans une piscine ou une flaque d’eau. Le printemps est la saison des pourritures du bois qu’il transforme en terre. Ainsi, les 18 derniers jours du printemps se transforment en phase terrestre. L’automne est régi par la phase métallique. Comme le métal finit par rouiller et se transformer en terre, les dix-huit derniers jours de l’automne deviennent également régis par la phase terrestre. Toutes les quatre phases du bois, du feu, du métal et de l’eau proviennent de la terre. Naturellement, les arbres poussent dans la terre. Aussi, comme le bois est nécessaire pour le feu, on pourrait dire que le feu est né de la terre. Les grandes montagnes Fuji et Asama en ont cinq jaillissant de l’intérieur de la terre et des rochers. Le métal et l’eau viennent aussi de la terre. En ce qui concerne les quatre saisons de l’année, la terre gouverne quatre périodes pendant dix-huit jours à la fin de chaque saison, soit un total de soixante-douze jours. Le bois, le feu, le métal et l’eau régissent également soixante-douze jours chacun, soit un total de 360 ​​jours. »

En outre, les Cinq Vertus Constantes (gojo) du cœur humain (jin), de la droiture morale (gi), de la bienséance (rei), de la sagesse (chi) et de la bonne foi/fiabilité (shin) sont associées à la théorie des cinq phases du Yin-yang. Ceux-ci sont même représentés par les cinq plis du hakama. Cela peut à son tour être assimilé aux cinq kamae trouvés dans le kendo.

  • Jin – Bois – Printemps – Hasso

  • Gi – Metal – Automne – Wakigamae

  • Rei – Eau – Hiver – Gedan

  • Chi – Feu – Eté – Jodan

  • Shin – Terre – Intersaisons – Chudan

    Théorie du dépassement mutuel (Sokatsu Setsu)

Le philosophe chinois Tsou Yen (305 - 240 avant notre ère) a conçu la théorie du dépassement mutuel. Cette théorie oppose essentiellement les qualités destructrices des cinq phases les unes contre les autres : le bois sur la terre, l’eau sur le feu, le feu sur le métal, le métal sur le bois etc…

Théorie de la production mutuelle (Sosho Setsu)

Tung Chung-shu (179? - 104? BCE) était le principal défenseur de cette théorie où les cinq phases se donnaient continuellement naissance les unes aux autres, plutôt que de causer la destruction comme dans la théorie du dépassement mutuel. Le bois donne naissance au feu, le feu donne naissance à la terre, la terre donne naissance au métal, le métal donne naissance à l’eau, l’eau donne naissance au feu etc…

Ici, j’ai donné un aperçu basique des théories compliquées du yin-yang et des cinq phases. Ces philosophies remontent littéralement à des milliers d’années et ont été constamment modifiées au fil du temps, ce qui rend difficile en effet de suivre les développements et de discerner quelle théorie est venue d’où. Cependant, si, comme il est indiqué dans la première explication officielle du kata de kendo, « au numéro quatre, les deux côtés avancent l’un vers l’autre après avoir pris les kamae Yin et Yang », nous n’avons d’autre choix que d’essayer de clarifier le vrai sens derrière ses origines.

Selon les trois approches différentes du yin-yang et les cinq phases que je viens de mettre en ligne, hasso no kamae est du bois - sombre dans la lumière et wakigamae est du métal - illuminé dans l’obscurité.

Mais est-ce vraiment si simple?

Dans l’école de sabre itto-ryu, l’univers est divisé en trois royaumes : le ciel, la terre et l’homme. Tout kamae dans cette tradition où le kissaki pointe vers le ciel (jodan) est considéré comme yang. Lorsque le kissaki pointe vers la terre (gedan), c’est yin. Lorsque le kissaki pointe vers la personne (chudan), on parle de yin dans le yang ou de yang dans le yin. Dans l’école traditionnelle Jikishinkage-ryu, les kamae où le kissaki est au-dessus de la taille étaient considérés comme yin et en dessous de la taille, yang. Cela ferait du hasso yin et du wakigamae yang.

Lorsque les kata de kendo furent formulés, il a été décidé que le hasso utilisé dans les nouvelles formes n’appartenait à aucune école traditionnelle en particulier. Cependant, le hasso, utilisé dans le premier kata du Keishi-ryu (le style martial spécial de la police), venait du Jikishinkage-ryu. Ce hasso est similaire au hasso du kendo kata en ce que le kissaki pointe derrière la tête, il est donc juste de supposer que le kata de kendo nouvellement formulé a été fortement influencé par le Jikishinkage-ryu. Cependant, si nous utilisons une théorie différente comme base de réflexion, jodan, chudan et gedan pourraient alors être expliqués en utilisant le concept de l’école itto-ryu du ciel, de la terre et de l’homme, mais nous ne pourrions pas supposer que hasso est yin (bois), et que wakigamae est yang ( métal).

Ensuite, je voudrais jeter un œil au mot « hasso ». Comme je l’ai mentionné, lors de la formulation du kendo kata, il était stipulé que le hasso no kamae ne provenait d’aucun style traditionnel en particulier, mais était une nouvelle création. Cependant, cela ne faisait référence qu’à son apparence. Le mot hasso, similaire à seigan (voir la section ippon-me à sanbon-me), a en réalité ses racines dans le bouddhisme. De nombreuses terminologies utilisées dans le kenjutsu proviennent du bouddhisme et font référence à une illumination opportune. Hasso est aussi un de ces mots. Dans la pensée bouddhiste, hasso fait référence aux huit événements de la vie d’un bouddha : descendre du ciel, entrer dans le corps de sa mère, sortir du corps de sa mère, quitter la maison, soumettre les démons, atteindre l’illumination en faisant tourner la roue de la loi et entrer dans le parinirvâna. En ce qui concerne le sabre, hasso représente les huit directions de coupe, verticale, horizontale et diagonale.

Dans le kendo kata, on voit que hasso est opposé à wakigamae dans yohon-me, jodan contre chudan dans gohon-me et chudan contre gedan dans roppon-me. En appliquant ces combinaisons aux cinq phases du yin et du yang, nous voyons que des trois théories les plus représentatives, la théorie de la terre au centre, la théorie du dépassement mutuel et la théorie de la production mutuelle, la théorie du dépassement mutuel est la plus applicable.

Yohon-me

Uchidachi – hasso (bois)

Shidachi – wakigamae (métal)

Métal bat le bois

Gohon-me

Uchidachi – jodan (feu)

Shidachi – chudan (eau)

L’eau bat le feu.

Roppon-me

Uchidachi – chudan (eau)

Shidachi – gedan (terre)

La terre bat l’eau.

Uchidachi prend alors la garde jodan (feu) et shidachi, chudan (eau). L’eau bat le feu.

Les théories des cinq phases du yin et du yang ont leur base dans les phénomènes naturels et la propagation de ces théories, au cours de nombreux siècles, a eu un profond effet sur la culture japonaise. De nos jours, de telles philosophies cèdent la place à la science et à la technologie modernes. Les anciennes connaissances prennent leur place sur la banquette arrière et finissent par tomber dans une obscurité totale. Indépendamment des merveilles de la science moderne et des explications scientifiques modernes de l’univers, il est important de ne pas oublier ou négliger la sagesse des anciens. Une telle sagesse peut être trouvée sous une forme dans le kendo kata, si les pratiquants prennent la peine de regarder. Cela en fait une ressource précieuse qui mérite plus d’attention.

NANAHON-ME

Le Kendo pratiqué selon les principes du sabre (ken no riho) se veut être un moyen de développement du caractère, tant au niveau personnel que sociétal. En fin de compte, l’objectif est l’harmonie à tous les niveaux. Cet idéal a d’abord été exprimé par écrit au Japon par Shotoko Taishi (574 - 622), un homme d’État de la période Asuka (593 - 710), le deuxième fils de l’empereur Yomei ( 585 - 587). Le prince Shotoku a institué la Constitution en dix-sept articles en 604 pour renforcer l’autorité impériale. La Constitution en dix-sept articles est un ensemble d’injonctions morales basées sur les doctrines confucéennes et bouddhistes pour exhorter les fonctionnaires du gouvernement à travailler en harmonie pour le bien du gouvernement central. Dans l’article 1 de la Constitution, il commence par dire « L’harmonie doit être chérie et l’opposition pour l’opposition doit être évitée par principe ». Je crois que c’est la philosophie qui est au cœur du nanahon-me du kendo kata.

(NDLR : Uchidachi & Shidachi – chudan (eau)

Puis Uchidachi – jodan (feu) avec le Shomen

Shidachi – chudan (eau) avec la découpe à la poitrine

L’eau bat le feu.)

En fait, les kata que j’ai examinés indiquent tous qu’ils sont des manifestations de l’esprit ou des idéaux du kendo. Ces idéaux élèvent le kendo bien au-dessus du simple domaine des techniques pour juste tuer ou gagner mais sont conçus comme un moyen de nous améliorer et démontrer le fonctionnement de l’univers, tout comme notre position à l’intérieur de celui-ci ou faisant partie intégrante de ce dernier. Les kata nous montrent différentes façons d’atteindre l’amélioration de soi et de nombreux indices se situent dans le fonctionnement des kata et kamae. Ces indices peuvent être difficiles à déchiffrer, mais il est important de prendre l’entraînement au kata au sérieux, pour le moyen de développement personnel et pour le fait de puiser dans la sagesse des anciens qui a été pratiquement oubliée.

KODACHI NO KATA

Maintenant, je voudrais examiner deux principes qui sont à la base de l’ensemble de kodachi no kata. Il y a un dicton au Japon chotan-ichimi (cho = long, tan = court, ichimi = un seul groupe ou paquet) qui se traduit par long et court, même principe. En d’autres termes, les avantages et des inconvénients de quelque chose font partie d’un tout. Cette philosophie peut être appliquée, au sens propre et au sens figuré, aux trois derniers kata de kendo qui utilisent le kodachi ou sabre court contre le tachi. En atteignant un certain niveau de maîtrise en kendo, on se rend compte qu’un long sabre possède à la fois des avantages et des inconvénients, tout comme c’est le cas pour un sabre d’une longueur plus courte et donc, cela ne devrait faire aucune différence pour le pratiquant, qu’il utilise un sabre long ou court. Idéalement, vous devriez pouvoir utiliser une long sabre de la même façon qu’un sabre court si besoin était, mais également une sabre court qui générera le même effet qu’un sabre long.

Cela s’applique à la vie et à la société en général. Indépendamment de votre statut, de votre entourage, de votre malheur, de votre bonheur, de votre chance, de votre malchance, de votre santé, de votre richesse ou de tout autre aspect de notre existence, il appartient à chacun d’en faire ce qu’il en fait. Toute chose bonne ou mauvaise peut être perçue comme le bonheur ou la tristesse selon la façon dont vous décidez de gérer la situation. Ce morceau de sagesse a été entouré pendant longtemps et même Mencius a affirmé un jour : « Le bonheur et le malheur sont des choses que vous apportez à vous-même ».

En ce qui concerne cela, je veux maintenant attirer votre attention sur la façon dont chotan-ichimi se rapporte à ippon-me et nihon-me et au « cœur n’appartenant à aucun sabre » (muto no kokoro) du troisième et dernier kata kodachi. J’aimerais vous citer Sasamori Junzo et ce qu’il a écrit concernant l’essence de l’Itto-ryu et ce concept important de chotan-ichimi, car il se rapporte également au kata de kendo moderne.

CHOTAN ICHIMI

« Les hommes de trempe moyenne pensent à tort qu’une arme longue est avantageuse par rapport à une arme plus courte, mais les grands hommes comprennent le concept de chotan-ichimi, où long et court sont réalisés comme une seule et même chose ». En d’autres termes, la longueur du sabre est essentiellement déterminé par les forces ou les faiblesses du cœur. Alors que nous nous efforçons d’aiguiser notre esprit avec la lame de test de l’autoréflexion, nous réalisons que dans nos cœurs résident des forces et des faiblesses, des vertus et des défauts. Ceux-ci coexistent en chacun de nous. Ce sont le cho (longueur - force) et le tan (court - faiblesses) de notre cœur. Ils sont inévitables et coexistent en harmonie. Ainsi, en ce sens, il est vain de s’interroger sur les avantages de la longueur de son arme. Que vous accomplissiez un voyage de dix mille miles ou que vous vous embarquiez pour une éternité durable, dans la façon de penser de l’école itto-ryu, tout cela revient au même. Il n’y a pas de différence. De même, quelle que soit la longueur de la lame, si trois pouces ou six pouces de la pointe s’enfoncent dans l’ennemi, cela suffit à le tuer. C’est bien sûr la même chose du point de vue de l’ennemi. Par conséquent, arrêtez de vous focaliser sur la longueur de l’arme. Jetez-vous entièrement et de manière désintéressée dans l’attaque et vous atteindrez votre objectif. La seule façon d’anéantir votre ennemi est de vous mettre également au bord du gouffre. En faisant cela, la longueur de votre sabre sera en accord avec la force et les faiblesses de votre cœur, le long deviendra court si nécessaire, et le court deviendra long. Une compréhension claire sera alors perçue que long et court, fort et faible sont un tout et sont inextricablement liés.

MUTO NO KOKORO (Le cœur « sans sabre »)

Le sabre est contrôlé par le cœur et ce dernier n’est en aucun cas influencé par le fait que le sabre soit court ou long. Le cœur contrôle le sabre, qu’il soit court ou long sans distinction. Si l’ennemi tient un sabre long et que vous tenez un sabre court, l’esprit ne devrait pas s’attarder sur ce fait, mais partez du principe que vous n’avez pas de sabre du tout. Lorsque l’ennemi s’approche et que vous êtes tous deux consumés par l’odeur imminente de la mort, saisissez sans hésiter l’occasion de vous jeter corps et âme sur votre ennemi et, sans même reculer d’un pas, avancez jusqu’à lui, saisissez son essence même et détruisez-la. C’est de cette façon que vous pourrez facilement battre un sabre plus long. Si vous et votre ennemi possédez des sabres courts, lancez tout votre corps dans l’initiative de l’attaque, mais assurez-vous de vous éloigner rapidement après l’avoir terminée. En résumé, « court » est le point de départ de « long » et le manque de longueur poussé à son paroxysme n’est rien du tout ou mu. Oublier que court est la source de long tout en s’engageant dans un combat avec un ennemi utilisant une arme plus longue est folie, mais tirer parti du fait que court est la source et avoir la capacité d’utiliser court pour réprimer long démontre une très grande sagesse. Le cœur « sans sabre » est l’aspiration définitive du chotan-ichimi.

Ceci, je crois, s’applique également au kendo moderne.

Examinons ensuite un concept clé de l’art et de la culture japonaise. Shin-gyo-so est la philosophie ou le concept de déformation des formes et est largement utilisé dans les arts japonais tels que le shodo (calligraphie), le jardinage japonais, l’ikebana (arrangement floral). Shin est la vraie forme, so est la forme réduite à sa plus simple expression, gyo est la forme qui se situe entre ces deux premiers concepts. En d’autres termes, il y a une évolution, depuis la forme parfaitement établie jusqu’à une liberté complète d’expression de cette forme. Ippon-me est associé au concept de shin et signifie gi ou droiture morale. Nihon-me correspond au gyo et implique la compassion (jin). Sanbon-me correspond à so et évoque la bravoure ou la valeur morale (yu). Si vous regardez le kodachi kata, vous pouvez voir clairement cette même évolution, en commençant par observer le kamae et, de la même façon, les derniers coups.

Shin-gyo-so

Kodachi Ippon-me – Shin : L’adversaire est tué en un coup

Kodachi Nihon-me – Gyo : L’adversaire est tué après avoir été contrôlé

Kodachi Sanbon-me – So : L’adversaire est contrôlé, en ressort vaincu mais vivant

Sato Ukichi a écrit longuement sur la signification du shin-gyo-so en kendo dans son livre simplement intitulé Kendo. Il a souligné que les concepts de shin-gyo-so faisaient partie intégrante de l’art du sabre japonais depuis de nombreux siècles et que c’était également un aspect important du kendo kata moderne. En termes simples, shin correspond à prendre un kamae correct, à ne pas céder d’un pouce et à garder sa garde impeccablement solide, ainsi que d’appliquer une pression incessante sur l’adversaire pour finalement terminer la rencontre par une attaque percutante. Gyo fait référence au niveau superieur où la même chose est appliquée, mais le coup final est retardé après avoir évité l’attaque de l’adversaire. Enfin, So correspond à l’acte d’avoir l’air si détendu que vous ne semblez même pas avoir besoin de prendre le kamae. Puis, marchant courageusement vers un assaut imminent, la violence de l’adversaire est contrecarrée puis il est vaincu mais pas tué.

En kendo, il y a un enseignement bien connu appelé Shu-ha-ri.

Shu fait référence à l’acte de maintenir avec diligence tous les enseignements de votre école de maîtrise du sabre et de s’efforcer de maîtriser les secrets les plus profonds qui sont la véritable essence de l’école. Ha fait référence à l’action d’utiliser les principes maîtrisés dans sa propre école et de tester et de comparer leur efficacité face à d’autres écoles traditionnelles. Dans ce processus, il faut s’efforcer d’apprendre de nouvelles connaissances auprès de nombreux adversaires différents dans une tentative d’atteindre un niveau supérieur. Dans la phase finale de Ri, il faut dépasser toutes les frontières des écoles individuelles et devenir la personnification même des principes du sabre. Ces étapes correspondent à shin-gyo-so.

Shu = Shin Ha = Gyo Ri = So

Les Japonais d’autrefois accordaient beaucoup d’importance à ces principes, dans de nombreuses autres facettes de la culture et de la pensée traditionnelles. En effet, de nombreuses leçons peuvent être tirées d’une telle sagesse et encore appliquées dans la vie de tous les jours par nous, les contemporains. En ce sens, il est important que nous puissions utiliser le kendo à son plein potentiel en ayant une compréhension de ces principes qui soutiennent la philosophie du kendo kata. C’est là que nous pouvons nous embarquer dans le -do, la voie du kendo.

Mokuso

Publié le 9 Juillet 2018 sur le Weblog de TOZANDO

Traduction française : Fabien Rivaille Avril 2022

黙想Mokuso 瞑想Meiso 正座 Seiza

Je suis sûr que beaucoup d’entre vous s’asseyent en silence et méditent les yeux fermés avant et après l’entraînement. Certains appellent cela Mokuso (pensée silencieuse), d’autres, Meiso (pensée les yeux fermés) ou encore Seiza (l’assise, tout simplement). Lorsque vous rejoignez le Dojo, l’enseignant vous expliquera sa signification et comment pratiquer cette méditation. Mokuso est presqu’aussi important que l’entraînement en lui-même.

La posture de base pendant la méditation consiste à s’asseoir avec vos genoux repliés. Ensuite, placez votre main droite devant votre nombril, paume vers le haut, puis placez votre main gauche sur votre main droite avec la paume vers le haut. Ensuite, fermez légèrement les yeux (ou laissez-les légèrement ouverts) et contrôlez votre respiration.

Si vous savez comment le Daibutsu (ndlr : Grand Bouddha) de Kamakura se tient, les mains devant lui, c’est facile à imaginer. C’est la posture de base pendant la méditation mais elle n’est pas forcément figée. La partie la plus importante de la méditation n’est pas votre posture mais votre esprit. Par la méditation, vous organisez vos pensées, vous concentrez votre esprit pour chercher au plus profond de votre cœur afin d’obtenir une nouvelle compréhension.

Au cours de la pratique, plutôt que de simplement faire les mouvements chaque jour, vous pouvez voir un changement dans votre propre pratique et dans vos résultats si vous avez des objectifs mentaux spécifiques comme « aujourd’hui, je vais me concentrer sur le fait de m’améliorer dans ce domaine » ou « à la fin de la journée, je veux en arriver là ». Mokuso est le moment où vous visualisez une bonne image de ce que vous voulez améliorer avant de commencer à vous entraîner.

Les sportifs professionnels ou les athlètes olympiques incorporent presque toujours ce type d’entraînement mental dans lequel ils imaginent là où ils veulent être. Au Japon, on parle

« d’entraînement par l’image » où vous imaginez dans votre tête les mouvements que vous aimeriez faire, puis planifiez le chemin vers la réalisation de cette image. La méditation avant l’entraînement est aussi un type de cet « entraînement par l’image ».

Mokuso après la pratique est également conçu non seulement pour calmer votre cœur qui a eu des hauts et des bas et mais aussi pour réfléchir à votre pratique. C’est un moment pour réfléchir non seulement à la question de savoir si la pratique était bonne ou mauvaise, mais aussi à réfléchir sur vos propres actions et attitudes. Vous commencez à percevoir votre propre faiblesse lorsque vous réfléchissez à la raison pour laquelle vous ne pouvez pas garder votre cœur calme ou pourquoi votre esprit est instable. Ensuite, vous essayez d’appliquer ces réflexions lors de votre prochain entraînement lorsque vous pratiquez Mokuso avant l’entraînement. De cette façon, vous avancez étape après étape.

Ce type de méditation s’appelle Mokuso, ce qui est différent, bien que souvent confondu, avec Meiso. En quoi les deux sont-ils différents ? Mokuso implique de penser, méditer tandis que Meiso tente de parvenir à une détermination ou à une inconscience, une absence de réflexion. La similitude est que les deux impliquent une assise silencieuse, les yeux fermés, car sinon les caractéristiques sont totalement opposées.

Comme on l’a dit, dans certains Dojo, on appelle cela « Meiso ! » ou « Seiza ! ». Seiza signifie tout simplement s’asseoir en silence. Dans de nombreux cas, les mots utilisés au Dojo ne sont pas

nécessairement liés au sens strict du mot. La raison pour laquelle certains utilisent « Seiza » est que le Kendo s’est répandu à l’étranger et est pratiqué par des personnes de culture et de religion différente et que « Seiza » a une connotation moins religieuse que « Mokuso », pratiqué selon une tradition bouddhiste. Certains endroits utilisent « Meiso », mais la véritable intention de Meiso peut également avoir des effets significatifs pendant les entraînements et les matches, il se peut donc qu’ils adaptent délibérément « Meiso » plutôt que « Mokuso ».

Cela peut sembler être juste s’asseoir et fermer les yeux, mais quand vous vous engagez envers vous- même, comme « Je vais réussir aujourd’hui », cela vous aide à imaginer ce que vous voulez idéalement devenir. C’est un moment indispensable où vous rassemblez vos pensées lorsque vous entrez dans votre pratique. Beaucoup de gens ne font pas la distinction entre Mokuso et Meiso, mais si vous pratiquez les deux avec une juste compréhension de leurs différents objectifs, cela peut conduire à une meilleure qualité de pratique du Kendo.

La respiration pendant le Mokuso

(Source : https://www.wajutsu-koekelberg.be/conseil-et-reflexion-du-jour/le-mokuso/)

Mokuso est une phase importante de la pratique d’un art martial.

avant le salut rituel au début de la séance et à la fin d’un entraînement à l’injonction « Mokuso

» donné par le Shihan ou le Senseï . C’est un merveilleux outil qui permet d’ouvrir ou de

conclure la séance de cours.

Le Mokuso du début sert à faire le calme dans son esprit, à laisser le monde et ses problèmes

et préoccupations à l’extérieur du Dojo, et à se concentrer sur la séance à venir.

Le Mokuso de la fin sert à relâcher le corps et l’esprit de l’activité intense de la séance, à faire le vide et retrouver la vie extérieure avec sérénité. Le Mokuso est donc l’instant où le wa- jutsuka s’exerce à la maîtrise de son esprit en éliminant la plupart des perturbations physiques et psychiques liées au contact avec l’environnement.

Mokuso signifie littéralement « penser en silence ».

Les origines exactes du Mokuso ne sont pas connues. Il semble cependant que le Mokuso ait été introduit assez tôt dans les arts martiaux.

Les buts du Mokuso sont exprimés par l’expression « Kokyu wo totonoeru, kokoro wo totonoeru »

dans laquelle Kokyu est la respiration, Kokoro, le coeur, l’esprit et le verbe Totonoeru signifie arranger, ajuster mais aussi préparer.

Ajuster sa respiration : ce qui est important c’est de se concentrer sur sa posture (dos bien droit en alignant bien la colonne vertébrale), et sur sa respiration.

Respirer régulièrement est en général un exercice recommandé pour se détendre. De ce point de vue, il constitue une excellente introduction à une séance d’activité physique intense. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un exercice respiratoire, il n’est donc pas nécessaire de pousser sa respiration.

Le Mokuso se pratique en Seiza, mais aussi en position debout :

  • jambes à écartement des épaules
  • et 1 pied légèrement avancé (posture confortable)

Au signal du Mokuso, joindre les mains en coupe, paumes vers le haut en déposant la main gauche dans la main droite, pouces joints ne faisant ni mont ni vallées, en fermant les yeux.

  • Inspiration : inspirez doucement par le nez, pendant 4 secondes, en visualisant l’air descendant jusqu’à votre « seika-tanden » (c’est le point situé à environ 3 cm sous votre nombril, à l’intérieur de votre corps. C’est en quelque sorte votre centre de gravité). Ceci permet une respiration profonde. Vos épaules ne bougent pas, c’est votre abdomen qui se gonfle sous la poussée du diaphragme qui s’abaisse. Ceci vous donne un plus grand volume d’air qu’une respiration thoracique (en gonflant les poumons).

  • Maintien : à la fin de la phase d’inspiration, retenez l’air, visualisez le dans le « seïka- tanden », pendant 4 secondes. Relâchez bien tous vos muscles, notamment les épaules, le visage, le cou, tout doit converger vers le « seïka-tanden ».

  • Expiration : Expirez très lentement par la bouche, légèrement entrouverte, pendant 8 secondes, en contrôlant le flux avec votre abdomen. Plus l’expiration sera lente, plus l’impression de calme et de détente sera ressentie. N’expirez pas à fond, vous auriez une sensation d’asphyxie alors que tout doit se passer en douceur. Lorsque vos poumons sont vides sans contraction d’aucune sorte, vous recommencez le cycle d’inspiration. Respirez ainsi jusqu’au signal de fin « Mokuso yame ».

Dans un premier temps, il est intéressant de se concentrer sur le fait de laisser au vestiaire tout ce qui pourrait perturber la séance. Visualisez-vous serein, en paix, prêt à recevoir et partager afin d’éveiller l’esprit créateur en soi. En fin de séance, ayez de la gratitude envers vous-même, votre senseï, votre senpai, votre famille et visualisez-vous avec ce que vous allez remettre dans ce sac en quittant le dojo. Faites le calme intérieur grâce à la concentration sur la respiration et préparez-vous à retrouver l’extérieur.

Cet exercice est des plus difficiles et demande concentration et entraînement.

Au bout d’un certain temps, votre esprit fera cela de manière presque automatique, le fil ténu pour se raccrocher restera alors le comptage qui permettra de ne pas diverger vers les pensées multiples qui ne demandent qu’à surgir et perturber notre belle sérénité.

L’idée générale étant en quelque sorte de « nettoyer » son esprit pour aborder l’état d’esprit Keiko (le cours, le travail, la pratique, l’étude des choses anciennes) que les Japonais appellent « Mushin » (sans sentiment, sans pensée).

Nito

Article écrit par Georges Mc Call en Janvier 2017 et publié sur son site kenshi247.net

Traduction française : Fabien Rivaille Avril 2022


Le débat sur le kendo nito-ryu est quelque chose que j’ai délibérément évité ces dernières années, mais le décès du kenshi nito-ryu le plus réputé dans le pays à la fin du mois de décembre, Toda Tadao hanshi, m’a fait penser qu’il était temps de m’attaquer au sujet… du moins très brièvement. Pour une discussion plus détaillée sur le sujet, vous devez vous asseoir avec moi dans un pub !

Premièrement, voici la photo très populaire que j’ai uploadée en décembre sur Facebook afin de rendre hommage à Toda sensei. Je l’ai prise le 5 mai 2009 :

A présent, je vais vous donner un bref survol du contexte et de la culture du kendo nito-ryu d’un point de vue historique, suivi de commentaires personnels.

Nito-ryu avant l’apparition du shinai

Il existe plusieurs koryu qui incluent l’utilisation de deux sabres. La plus connue est bien évidemment le Niten-ichi-ryu, le style que l’on attribue au sabreur le plus décrit dans la littérature et le cinéma au Japon : Miyamoto Musashi.

Parmi les autres écoles qui intègrent la pratique à deux sabres, il y a les écoles Yagyu shinkage- ryu, Shingyoto-ryu, et Katori shinto-ryu. Il est important de noter que les kata à deux sabres, même lorsqu’ils existent, ne constituent qu’une très petite partie d’une plus grande série de kata.

Nito-ryu après l’apparition du shinai

Les prototypes de shinai et bogu actuels furent développés et expérimentés pendant plusieurs années, à partir du milieu du 18ème siècle jusqu’au tout début du 20ème siècle, quand la forme fut alors considérée comme aboutie. Les deux écoles mentionnées le plus souvent à ce stade — Jikishinkage-ryu et Hokushin Itto-ryu — ne possèdent aucune part de nito. Toutefois, on peut émettre l’hypothèse que des personnes pourraient avoir essayé de prendre deux shinais pour s’affronter, car après tout cela pouvait paraître amusant !

Gekken kogyo

C’est probablement dans la deuxième moitié du 19ème siècle, avec l’introduction du spectacle payant et éphémère nommé Gekken kogyo que le nito a fait son entrée en scène pour la première fois. Ces représentations incluaient une grande variété dans les combinaisons d’armes utilisées et voyaient également la présence de combattantes.

Après que le kendo au shinai soit finalement introduit comme une pratique de la nouvelle force de police de Tokyo (Keishicho), tous les représentants les plus doués y ont trouvé un emploi et le Gekken kogyo, devenant l’ombre de ce qu’il fut, disparut finalement.

La formalisation du kendo : Busen et Koshi

La première tentative de standardisation du kendo a eu lieu dans deux centres principaux : le Dai Nippon Butokukai (à l’origine un centre d’entraînement le Bujutsu Kyoin Yoseijo est finalement devenu le Budo Senmon Gakko, ou « Busen » ) et le Tokyo Koto Shihan GakkoKoshi » ). Les deux professeurs les plus influents étaient Naito Takaharu et Takano Sasaburo. Aucun de ces deux professeurs n’a ni pratiqué, enseigné ni réellement discuté du kendo nito-ryu, ce qui bien sûr a influencé leurs étudiants et les centres d’entraînements que ceux-ci ont développés.

Nishikubo Hiromichi, kenshi du Muto-ryu, devint le professeur en chef du Busen en 1919. Dans les cercles d’arts martiaux, il est connu pour être celui celui qui a poussé la rebaptisation du « jutsu » en

« do » mais il exerce également une autre forte influence sur le Busen : il déconsidère l’attaque à une main, se plaignant que ces techniques étaient « irréalistes » et « faibles ». C’était certainement le point de vue de Naito également (bien que l’élève favori de Naito, également professeur au Busen, Miyazaki

Mosaburo, était renommé pour son katate-men waza très puissant). Quand Naito tomba malade et décéda, Ogawa Kinnosuke (que Nishikubo appréciait beaucoup) devint le professeur principal du Busen jusqu’au milieu de la Seconde Guerre Mondiale. Dans ce contexte, il est facile de comprendre pourquoi le Busen n’a jamais produit de pratiquant de jodan, et ne parlons même pas du nito.

Ayant dit cela, il est important de noter que l’un des premiers et plus anciens membres du Butokukai, Mihashi Kanichiro, était un maître renommé dans la pratique du nito-ryu. Etudiant de Momoi Junzo, il était l’un des pratiquants repérés lors des Gekken Kogyo pour devenir enseignant de kendo au Keishicho. En 1899, il devint un professeur de kendo au Butokukai et fut le tout premier à recevoir le titre de

« hanshi » en 1903. Un autre pratiquant renommé de nito-ryu, Okumura Torakichi (fils d’un autre maître de nito-ryu Okumura Sakonta), s’est entraîné sous la direction de Mihashi de 1900 jusqu’à sa mort en 1909. Torakichi était à la fois le successeur du « Okumura nito-ryu » de son père et du « Musashi-ryu » de Mihashi. Ces deux styles étaient de nouvelles inventions basées sur l’expérience et non sur une transmission du passé.

En ce qui concerne le Koshi, alors que Takano obligeait tous les étudiants de kendo à apprendre le Jodan comme partie intégrante de l’enseignement, le nito semblait être largement ignoré.

Le kendo Nito-ryu apparaît

Le kendo de compétition n’était pas existante jusque dans les années 1920 et même à cette époque, il constituait un événement rare. Le kendo en tant que matière scolaire était alors présent depuis quelques années et commencçait tout juste à gagner en popularité dans les universités. Etant jeunes, les étudiants apprécient l’émotion de la compétition. Une fois plus âgés, les professeurs plus chevronnés ont continué de désapprouver le shiai. Le Busen, en particulier, ne faisait pas d’entraînement au shiai et ne participait pas au shiai jusqu’à la mort de Naito en 1929 (les élèves pratiquaient quelque fois secrètement le shiai, sans que leurs sensei en aient connaissance !). La compétition à cette époque était généralement pratiquée par les étudiants en université et les personnes proches de ces cercles. C’est là que l’on vit apparaître pour la première fois le nito.

La grande majorité des compétitions d’avant la Seconde Guerre Mondiale se déroulaient en équipe sur le principe du « kachinuki » , un style où, si l’on gagne, on continue d’affronter la personne suivant de l’équipe adverse. Une particularité de ce type de shiai est qu’une égalité entraîne la sortie des deux compétiteurs et l’entrée du compétiteur suivant de chaque équipe. C’est là que le nito a trouvé une utilité : si l’équipe adverse possédait un compétiteur très fort, vous pouviez utiliser un nito pour provoquer une égalité (plus facile à obtenir du fait d’être d’’une nature plus défensive) et ainsi faire sortir ce kenshi. En lisant les anecdotes sur le sujet, on peut voir que cette stratégie était particulièrement répandue à cette époque, à tel point que certaines compétitions universitaires bannirent l’utilisation du nito.

Mais d’où pouvaient bien provenir ces kenshi pratiquant le nito-ryu ? Qui avait bien pu le leur enseigner ? Je pourrais bien émettre une hypothèse sur ces questions, mais avant tout je vous demanderai de relire l’article à propos de Fujimoto Kaoru, que j’avais publié en 2009.

Alors que c’est assez évident, ma supposition est qu’à cette époque, de manière similaire à Fujimoto, la grande majorité des kenshis nito-ryu venaient de la population jeune des universités (en opposition aux kenshis professionnels) et étaient auto-didactes (surprise). Dans les milieux professionnels du kendo, le nito-ryu était inexistant.

Le succès de deux kenshis nito-ryu Fujimoto et Kayaba Teruo durant le Showa Tenran-jiai (1934 et 1940) suggère que le kendo nito-ryu était peut-être plus populaire qu’il ne semblait l’être. Alors qu’il ne fait aucun doute que le succès de Fujimoto en 1934 en ai pu inspirer d’autres, en consultant beaucoup de sources des années 30, il est aisé de montrer que le nito-ryu était — en dehors du kachinuki shiai du niveau universitaire — une simple réflexion. Cela ne concernait pas le kenshi sérieux. Et de toute façon, alors que le Japon est entré en guerre dans les années 30, le kendo lui-même a changé pour devenir plus

« réaliste », ce qui, il est inutile de le préciser, n’incluait pas l’utilisation simultanée de deux sabres.

L’après-guerre

Alors que le Kendo retrouvait un nouvel élan après la Seconde Guerre Mondiale, la All Japan Kendo Association fraichement créée décida de bannir complètement le nito-ryu des compétitions scolaires et universitaires (il ne faisait même plus partie du shinai kyogi). Ce bannissement fut maintenu jusqu’en 1991 et entraîna l’éradication quasi totale du kendo nito-ryu au Japon. Bien évidemment, certains adultes continuèrent à le pratiquer durant cette période et même un petite poignée de pratiquants très doués combattit durant les All Japan Kendo Championships. Ces personnes étaient, comme vous vous en doutez, auto-didactes.

L’état actuel : une mini-renaissance ?

Au cours de ces dernières années, j’ai vu le kendo nito-ryu exploser. Cette explosion semble venir plus de l’étranger que du Japon, mais il y a certainement plus de personnes pratiquant le nito-ryu de nos jours qu’à l’époque de mon arrivée au Japon. Qu’y a-t-il derrière cette explosion ?

    • Musahi-kai : Pour la première fois dans l’histoire du kendo nous avons un groupe qui pratique et, le plus important, enseigne le nito-ryu de façon systématique. Ce groupe a gagné en popularité au début des années 2000 en tant que dojo semi-commercial en ligne répondant aux besoins des individus au Japon, mais a grandi pour devenir une organisation plus étendue avec un ensemble de groupes interconnectés et même des étudiants à l’étranger.
    • Mise en lumière : En 2007, pour la première fois depuis presque 40 ans, le kenshi Yamana Nobuyuki de Tokushima pratiqua nito-ryu au cours des All Japan Kendo Championships. Cela a provoqué un grand nombre de débats (positifs) et de discussions au Japon autour du nito-ryu. Yamana Nobuyuki joua également un rôle important de modèle pour les kenshi nito plus jeunes et débutants, ce qui n’est pas rien à mon sens.
    • Université : La levée du bannissement du nito au niveau universitaire dans les shiai a rendu plus facile la capacité de s’approprier le style par les étudiants mais il semble, au moins pour le moment, que peu d’entre eux s’y intéresse. Avec la combinaison des 2 premiers points évoqués, il semble que de nos jours l’intérêt commence à grandir et vous pouvez commencer à voir régulièrement des pratiquants nito dans les compétitions. Peut-être que le sensei en chef nito-ryu du futur, dirigé par le sensei du Musashi-kai, proviendra de cette génération.
    • Le livre de la All Japan Kendo Association (ZNKR) : Il n’y a rien de mieux pour officialiser quelque chose que de l’inclure dans un livre et c’est ce que fit la ZNKR en publiant leurs propre règles et standards. Bien qu’il ne supprime pas complètement la marque de déshonneur du choix de pratiquer le nito-ryu, il donne au moins une lueur d’acceptabilité.
    • Intérêt des pratiquants non Japonais : J’ai laissé ce point en dernier mais il constitue un des points les plus intéressants dans la discussion quand on parle de nito-ryu. C’est aussi un sujet que j’aimerais aborder en détail dans un article futur … ou alors vous pouvez me payer un bière !

Conclusion

Veuillez noter que cet article n’est pas un guide complet, mais plutôt un aperçu rapide du nito-ryu, en particulier de son histoire, et une discussion courte sur sa récente popularité selon mon propre point de vue. Je ne suis pas qualifié pour discuter des aspects techniques, mais son histoire est assez simplement expliquable.

Pour résumer :

  1. en dehors d’un petit boom parmi les étudiants universitaires dans les années 20 et 30, le kendo nito-ryu existait (à peine) en marge du kendo jusqu’à très récemment. Certains pourraient argumenter sur le fait qu’il s’agit toujours d’une activité marginale, mais on ne peut nier sa popularité accrue sur ces 10 dernières années.
  2. avant l’extension du groupe Musashi-kai dans les dernières années, les pratiquants étaient peu nombreux et éloignés les uns des autres, et quasiment tout le temps auto-didactes.

Et, un dernier point : tout en haut de cet article, j’ai déclaré qu’une « discussion sérieuse sur le nito-ryu kendo est quelque chose que j’ai délibérément évité au cours des dernières années ». La raison n’est pas due à un manque d’intérêt, mais parce que je soupçonnais que je recevrais des plaintes de pratiquants de nito-ryu kendo qui ne comprendraient pas mon analyse. Le fait est que, d’un point de vue historique, les choses sont vraiment aussi simples que celles décrites ci-dessus.

Personnellement, je suis heureux que le nito-ryu kendo devienne plus organisé, moins aléatoire qu’il ne l’a été par le passé. Cela ajoute quelque chose d’intéressant au mélange et je suis heureux de m’engager dans le keiko avec mes amis nito-ryu chaque fois que je le peux, car cela m’aide dans mon propre shugyo.

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